Janvier 2009 : Diatrib(a), un des pionniers français du math-rock annonce officiellement son split, laissant derrière lui 2 EPs en 10 ans. Quelques mois plus tard naît Ni, formation comprenant tous les membres de Diatrib(a) excepté le bassiste remplacé par Benoit Lecomte de JMPZ. Une autre aventure "math-rockienne" plus métallique qui commence avec la sortie d'un EP 4 titres éponyme au début de l'année 2010.
Ni
Biographie > Ni queue ni tête
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Ni / Chronique LP > Fol naïs
C'est toujours avec une certaine appréhension qu'on découvre un nouvel album de Ni. Bien que la musique des Burgiens/Lyonnais évolue subtilement au fil des disques, avec comme point d'orgue de nous rendre toujours encore plus fou (comme eux d'ailleurs), la surprise réside toujours dans l'approche qu'a le quatuor à construire les murs de son labyrinthe pour jouer avec nous et tenter de nous perdre. Concernant Fol naïs, son troisième et dernier album en date, il apparaît clairement que le groupe a décidé de densifier son spectre en sonorités métalliques, à tel point que sur certains passages, on a la sensation de plonger la tête la première dans un album de Meshuggah. Pour autant, on ne va pas faire les surpris car ses prédécesseurs avaient déjà amorcé progressivement cet arsenal de riffs pachydermiques et ce "gros son" qui fait mal.
Fol naïs signifie "Né fou" en vieux français. Ce fou, c'est très probablement celui du Roi, le bouffon représenté en double sur cet artwork très réussi, qui dans une posture 69 joue à un jeu qui ne plairait qu'à des mecs bourrés ou à des ados en mal de sensations. C'est drôle, mais une minute. Un propos qui pourrait être tenu par 99,99% des gens de cette planète qui aurait le malheur/bonheur (rayer la mention inutile) de tomber sur cette œuvre de neuf morceaux (quasi) instrumentaux à l'esprit déjanté et semés d'embuches. Extravagante, la musique de Ni se contorsionne, évolue plus vite que le vent, défie la gravité à chaque fois qu'elle emprunte un nouveau nom de bouffon, mais sait aussi promptement s'adoucir. "Triboulet", le plus connu des fous de la cour du Royaume de France (il l'a été sous le règne de Louis XII et François Ier) a droit à trois parties dont la première est une introduction paisible montant en régime au fur et à mesure que le temps s'écoule. Cette partie de l'album est d'ailleurs celle qui se détache un peu du reste (moins metal, plus jazz-math) avec le pesant et lancinant épilogue "Cathelot" qui aurait eu sans problème sa place sur Pantophobie, l'album précèdent.
Extravagant, on le disait, mais transgressif et innovant aussi, comme Frank Zappa ou Magma l'étaient en leur temps dans la sphère rock, Ni prouve une fois de plus qu'il est capable d'évoluer et de nourrir son art d'inspirations diverses (un petit glitch par ci sur "Brusquet", un petit drone par là pour ouvrir et fermer le disque) pour ne pas tourner en rond et surprendre davantage son auditoire. Il va falloir cependant vous armer de culture metal, jazz et math (pour les plus évidentes) pour en faire partie, avec si possible un bagage dans lequel se trouve une place large réservée à la sensibilité pour les dissonances, les distorsions, les polyrythmies, et tout plein d'autres éléments qu'on va vous laisser découvrir sagement dans ce Fol naïs d'exception.
Publié dans le Mag #60
Ni / Chronique LP > Pantophobie
4 ans après Les insurgés de Romilly et pris dans le projet gargantuesque PinioL avec les copains de PoiL, nos quatre turbulents de Ni ont sorti en mars dernier un nouvel LP, leur deuxième au compteur, répondant au nom de Pantophobie. Alors, vous allez me dire, mais qu'est-ce que la pantophobie ? Et bien, c'est la peur de tout. Selon le site Doctissimo (une grande référence...), la pantophobie est très souvent associée à "des attitudes mélancoliques qui enferment le sujet dans la remémoration continuelle du passé". Vous savez le fameux "C'était mieux avant !". Pas sûr que ce soit le cas des gars de Ni qui essayent tant bien que mal de projeter l'image d'un groupe qui avance et évolue. Soyons honnêtes, Ni a déjà 10 ans et a su rapidement se trouver une patte artistique quelque part entre le métal et le math-rock. Difficile pour eux alors de déroger à cette règle. Enregistré par Hervé Faivre (Igorrr) à l'Improve Tone studio, ce dernier méfait parait plus massif et métal que les autres ("Leucosélophobie" et "Stasophobie" ne sont pas loin d'un Meshuggah), bien aidé par ses hurlements/cris disséminés ci et là. Toujours aussi talentueux et techniques, les Ni sont d'une certaine manière les Magma des années 2010 : écriture rigoureuse, de longues partitions épineuses, un univers totalement étrange et mystérieux et un langage musical rare.
Publié dans le Mag #39
Ni / Chronique LP > Les insurgés de Romilly
A la mi-février 2015, Ni lance un petit teaser de trente secondes nous annonçant l'arrivée, après deux EP prometteurs (dont le premier chroniqué sur nos pages), de son premier album répondant au nom de Les insurgés de Romilly. Si vous cherchez l'explication de ce titre, une histoire à base d'étrons et de (c)anal vous est contée à la fin de "Butor". Voici donc un long format qui, au vu de ce que le groupe a démontré précédemment en terme de folie instrumentale, risque de faire mal. Très mal même. Ni une, ni deux, j'enfourne la galette à l'artwork très soigné, un collage surréaliste intitulé "Une nuit sans cauchemar" issu de l'imaginaire loufoque de l'artiste Jacques Déal, complètement raccord avec le math-rock instrumental et excentrique du quatuor. "La musique est de retour" nous annonce t-on en guise d'introduction par le biais d'un petit échantillon de l'héritage de la chanson française... il sera difficile de réchapper à ces quasi trois quart d'heure de musique tortueuse. Vous êtes prévenu.
Présent dans une niche musicale créative qui commence à s'imposer franchement dans notre hexagone (avec Poil, Le Singe Blanc, Ultrazook, Papaye, Kouma pour ne citer qu'eux), Ni assume pleinement son rock foutraque et indomptable dans lequel se répondent guitares et basse avec des soubresauts vocaux (coucou Le Singe Blanc et Poil), le tout arbitré par une batterie survitaminée. Les gars de Bourg-en Bresse conservent indéniablement leur forte identité se situant aux confins d'un jazz-core à la Zu où chaque structure se métamorphose et traverse d'autres terrains artistiques qui peuvent tout aussi bien être celui du métal(-core), du prog voire de la noise rock. A ce titre, l'insaisissable "Cuistre" symbolise assez bien cette description. L'architecture musicale des huit compositions du quatuor est si frappante de technicité et d'originalité qu'elle risque de mettre à mal le cerveau de petits jeunes en mal de sensations auditives (je leur conseille d'écouter "Butor" à ce sujet). De la plus courte à la plus étendue des notes de guitare, du son le plus rond au slap tranchant de la basse, de l'onomatopée au cri le plus féroce, ou que la cadence soit véloce ou somnolente, Les insurgés de Romilly abasourdit et ne peut laisser indifférent. Et ce n'est pas "Torfesor", le dernier morceau labyrinthique du disque dans lequel viennent s'immiscer des chœurs-cris assurés, entre autres, par les 3 membres de Poil et la ravissante Jessica Martin Maresco (ICSIS, Pili Coït, Meï Teï Sho), qui viendra contredire tout ça.
A l'image de formations experi(mentales), telles que les Américains de Yowie que je vous recommande vivement de découvrir, c'est très souvent pour le meilleur ou pour le pire. Car comme toute musique étourdissante, celle de Ni est à double tranchant : soit l'on y trouve son plaisir en se laissant transporter dans ce monde curieux qui peut à terme devenir pour certains pathologiquement addictif, soit au contraire, c'est totalement rédhibitoire. A vous de voir (et d'écouter surtout).
Ni / Chronique EP > Ni
La Bourgogne : son vin, ses cadoles et ...sa complexité musicale. Fraîchement déboussolé mais gentiment remis de 24 minutes de math-rock "in your face", je viens vous présenter Ni. Deux lettres pour un maximum de bruit et de prises de tête. "Encore un égotrip de musiciens !" diront certains, "Du pur génie !", crieront d'autres, Ni ne peut laisser indifférent. Cette formation n'est ni plus ni moins celle de feu Diatrib(a) sans son bassiste, remplacé par celui de JMPZ. Les personnes témoins de l'aventure de ce groupe défunt de math-rock ne seront donc pas vraiment surprises par le degré de folie de Ni. Parce que de la folie, il y en a ! Ce premier EP se manifeste comme la parfaite bande-son d'une course poursuite poussée à l'excès. Vous savez, le genre de scénario alambiqué avec ses rebondissements, son suspens à vous provoquer une catalepsie. Ni baigne donc dans le math-rock, n'est ni trop métal, ni trop free-jazz mais a le sens de l'expression, humoristique par ses titres ("Balafré par une dinde morte", ca ne s'invente pas !), vocale parfois, mais faut tendre l'oreille et bien sûr musicale. Et quel niveau ! Ca sent limite la vétérance là. En même temps, quand on regarde le background des loulous, il n'y a pas de quoi être étonné. Réglé comme du papier à musique, le combo enchaîne les modes cycliques progressifs à la Meshuggah, les défilés de notes à la Lite, tout ça dans une excentricité que l'on reconnaît chez Io Monade Stanca ou Primus dans un tout autre genre. Aux antipodes du formatage artistique, Ni réussit son entrée avec subtilité certes mais avec une jouissance inestimable.