nada_surf_the_proximity_effect.jpg The proximity effect, enregistré en 1998 avec Fred Maher (Luna, Lou Reed, Matthew Sweet), est probablement l'album le plus diversifié que le trio de Brooklyn nous ait pondu actuellement. Et pour être honnête, il risque de le rester. S'y entremêlent parfaitement des ballades mélancoliques comme les sublimes "80 windows" et "Troublemaker", des morceaux rock à l'image de "Dispossession" et "Mother's day", et power-pop avec entre autres "Bad best friend", "Hyperspace", "Amateur". La playlist nous emporte dans les montagnes russes de l'émotion, suivant plus ou moins un schéma alternant les titres rythmés et les plus calmes, le tout sous une thématique parfois rude comme en témoignent "Robot" et "Mother's day" évoquant toutes deux le viol. L'hétérogénéité mentionnée précédemment ne se mesure pas seulement à l'échelle du disque mais aussi à l'intérieur même des chansons, ou devrais-je dire d'une chanson : "Bacardi", où les changements de rythmes sont en lien direct avec son thème : les sensations pendant et après une soirée arrosée. Pour l'anecdote, deux ou trois ponts et introductions ont été repris de l'ancien groupe de Matthew Caws et Daniel Lorca (respectivement guitariste et bassiste), Because Because Because. Par exemple, le pont de "Bad best friend" est un réarrangement du refrain d'une chanson de ce groupe : "I meet you today". Outre la composition d'une qualité manifeste, le petit plus de la formation réside dans le chant. Matthew Caws nous gratifie de sa voix singulière, haute et assez douce même dans l'agressivité, qui se révèle être un point non négligeable de l'identité de Nada Surf. En plus d'être talentueux avec un micro devant lui, le chanteur francophile joue les altruistes et le cède à son bassiste qui prend le relai haut la main sur "Troublemaker" et "Slow down". Ce disque nous présente des choses rares voire uniques chez Nada Surf : un Matthew Caws énervé au chant (sur "Mother's day"), un (vrai) break rock de batterie (dans "Firecracker"), et un refrain à l'apparence déstructurée alternant binaire et ternaire, dans lequel suivre la mesure demande légèrement plus de concentration ("Dispossession"). The proximity effect est selon mon humble avis, avec le splendide Let Go, ce que Nada Surf a fait de mieux. Un LP à ne surtout pas esquiver si les américains attisent votre curiosité.

Cet album est aussi connu dans sa dimension extra-musicale pour être le récit d'une bataille entre le groupe et son label. [Mode Christophe Hondelatte : activé] Rappel des faits : la maison de disque Elektra Records reprocha à ce superbe album l'absence d'un titre phare promotionnel. Allant jusqu'à faire enregistrer des reprises au groupe, le fameux label américain envisagea même d'intégrer à l'album une version acoustique de "Popular", issue de l'album précédant, pour étoffer la production du groupe jugée pas assez bonne. Las de cette affligeante situation, et conscients des qualités de son deuxième opus, les New-Yorkais refusèrent de modifier ce LP abouti. S'en suivirent un retrait des ventes aux Etats-Unis par le label puis une rupture de contrat lors de la tournée européenne de 1999. Un an et un procès plus tard, Nada Surf obtint les droits sur l'album qui (re)sortit sur leur propre label, Mardev Records.