My Education - A drink for all my friends Bien qu'actifs outre-Atlantique depuis une (presque) quinzaine d'années, les Américains de My Education ne s'étaient réellement fait connaître sur le vieux continent qu'il y a deux ans et demi, avec Sunrise, un album bénéficiant alors d'une sortie européenne par le biais du toujours très inspiré Golden Antenna Records (Earthlimb, From Monument to Masses, Maserati), lequel remet le couvert, un peu moins de trois années après, avec A drink for all my friends. Un disque à l'atmosphère particulièrement cinématographique ("A drink...", "... for all my friends") qui déroule sa bobine musicale en affirmant toujours plus sa personnalité propre. On pense à Godspeed You! Black Emperor sans le côté léthargique, à Sigur Ros pour l'amplitude émotionnelle, à Explosions in the Sky aussi parce qu'ils partagent la même ville d'origine (Austin, Texas), mais là c'est à peu près tout.

Parce qu'avant toute chose, My Education établit ses propres codes créatifs, délivrant une musique expressionniste qui semble composer la bande-son d'un film cette fois inexistant (contrairement à leur précédent album, qui était pour rappel une adaptation de L'aurore de Murnau), mais aux travellings et autres champs contre champs déjà dans l'esprit de l'auditeur. Les enchaînements sont naturels et l'album ne forme, assez logiquement, qu'un seul et même tout au travers duquel le groupe segmente intelligemment sa narration. Entre "Mister 1986" et "Black box", il y a ainsi une réelle évolution dans la cheminement de l'album et les Américains, s'ils ne parviennent pas toujours à maintenir l'auditeur dans le même état d'attention (A drink for all my friends n'étant pas exempt de certaines longueurs), assument complètement leur démarche. Un travail qui les pousse à varier les arrangements encore et encore, quitte à devoir délaisser quelque chose qui fonctionne à merveille pour une partition qui leur sied parfois moins.

Très logiquement, c'est lorsqu'elle se sort du carcan un peu exigu et limité de la fausse bande-originale que la formation texane réussit à se sublimer, avec notamment le single "ROBOTER-HÖHLENBEWOHNER" (à vos souhaits) qui s'affranchit des codes du "post-rock" auxquels on l'a souvent (sinon toujours) rapprochée pour créer quelque chose de plus simplement rock indé. Avec toujours des éléments renvoyant à son héritage habituel, mais pour mieux le dynamiter, un peu à la manière d'un Mogwai transgressant ses propres traditions musicales pour ne pas oublier d'évoluer avec Hardcore will never die, but you will, avant de faire étalage de toute sa classe sur l'élégant "Happy village", petit bijou de recueillement post-rock aux cordes impressionnistes, et de conclure "Homunculus". Un brûlot indie-rock à l'ancienne qui vient sérieusement réveiller l'auditeur au moment où on ne l'attendait précisément... pas du tout. Une puissance salvatrice, des guitares incendiaires, un soupçon de jazz pour apaiser les tensions électriques (ou au contraire les accentuer un peu plus), My Education finit tout feu tout flamme là où on attendait un final douceureux à souhait. Pas si étonnant finalement pour un groupe qui aime autant surprendre. Et qui le fait régulièrement non sans une certaine classe.