Voici encore une bien belle mystérieuse découverte qui nous a été proposée ces derniers mois, celle du quatuor tourangeau Mossaï Mossaï. Après un EP sorti en 2019, ils reviennent cette fois avec Faces, un album de 5 titres, tous autant perturbés et perturbant les uns que les autres. D'un style inclassable (rock, pop, psychédélisme, spoken word, post-rock, kraut, indus, prog, noise...), il n'est pas aisé de s'immerger dans les plages polymorphes de ce Faces, qui plus est quand elles sont souvent (très) longues (dont "Esquisses" de plus de 11 minutes). Au pire, on abandonne, au mieux, on se laisse porter par les flots de ce bouillon sonore digne d'une pièce théâtrale mise en action par des musiciens accomplis et organisés. Dirigée par une voix en français modulable selon l'ambiance et le propos, la musique de Mossaï Mossaï travaille la matière sonore, presque à l'extrême.
Autant à l'aise dans les phases répétitives ("Cérébral"), détendues et lyriques ("Esquisses"), dans les décharges électriques et bourdonnantes à la Throbbing Gristle ("L'élan") ou les expérimentations noise percutantes ("Silence des toits") voire indus ("Charge"), le groupe cherche souvent à nous perdre. C'est également par la mise en œuvre de cette densité et de sa dramaturgie qu'il teste notre capacité à encaisser les effets hallucinatoires de sa musique. La question qu'on se pose souvent lorsque l'on traverse cette œuvre émouvante est de savoir si cela la sert ou la dessert, si et seulement si elle n'est diffusée qu'à travers des enceintes. Car Faces méritait en réalité bien plus que ça pour exister pleinement. Il y a les concerts, certes, mais peut-être que Mossaï Mossaï devrait à l'avenir créoliser son art, autrement dit, proposer une vision élargie de ses spectacles.
Publié dans le Mag #58