Mono a toujours bossé ses artworks mais là, ils se sont surpassés, on oublie le petit couple pour ne garder que la jeune fille qui danse ou fait la girouette au sommet d'un clocher perdu au cœur d'une ville construite dans tous les sens, comme si un peu d'art et de légèreté pouvaient / devaient éclairer un monde où le béton s'étend et favorise malgré cela le repli sur soi. C'est nulle part mais ici et maintenant, Nowhere now here, c'est une des plus belles pochettes de ces dernières années. Dommage qu'ils n'aient pas davantage exploité l'idée dans le clip de "Breathe" où les images de la ville sont trop rares. Mais leur talent, c'est la musique, alors venons-y.
Et c'est encore une fois, un album particulièrement réussi que nous proposent les Japonais, la suite logique de leur Requiem for hell où les orchestrations étaient revenues pour créer une sorte de synthèse entre Godspeed You! Black Emperor et Mogwai. Idée renforcée par l'apparition de quelques mots posés sur "Breathe", comme si les Ecossais avaient ouvert le chant des possibles à des combos enfermés dans un post rock uniquement instrumental, encore que ce morceau soit plus trip hop que pop. C'est le titre qui a été choisi pour le clip mais c'est un titre anecdotique car tous les autres restent sans voix. S'il fallait extraire un morceau plus représentatif des idées de Nowhere now here, je choisirais certainement l'éponyme, une plage agrémentée de cuivres au tempo d'abord très lent qui ne fait que gagner en tension (oui, là encore on sort la sempiternelle référence à John Murphy) et où les distorsions créent la tempête autant que la douceur au cœur de l'œil du cyclone. Et si avec "Sorrow" ou "Meet us where the night ends", les Tokyoïtes démontrent une nouvelle fois l'art de s'étendre sur de longs moments totalement maîtrisés, ils apportent aussi beaucoup de puissance sur des morceaux plus courts comme ce monumental "After you comes the flood" (dont je recommande l'écoute également) ou alors quelques nuages de calme qui ne seront jamais déchirés ("Far and further", "Parting") même si l'atmosphère peut être pesante ("Funeral song"), piano, violons, violoncelles se marient alors sublimement aux guitares et percussions.
En s'ouvrant à de nouvelles expériences dans la continuité de leur histoire, Mono conserve toute sa classe et prouve que le post-rock ne tourne pas en rond. Alors certes, le genre n'est pas bouleversé par les petites touches déposées par les Nippons mais l'effet produit est là, le transport et les émotions fortes sont garanties.
Publié dans le Mag #37