Étrangement, plus j'écoute ce Every country's sun, moins je retrouve ma première impression, celle d'un album aux sonorités franchement nineties qui sentait bon l'indie ricain bien alternatif avec quelque chose dans le traitement du son qui rappelle Tortoise ou Yo La Tengo. Après de nombreuses sessions d'écoute, mes oreilles ont dû s'habituer à l'âpreté de la basse et de certaines guitares pour se tourner davantage vers les sons plus clairs du piano ou d'autres guitares, des sons plus modernes et plus dans la lignée de ce que Mogwai fait depuis quelques années. Le retour de Dave Fridmann à la prod (plus de quinze ans après Come on die young et Rock action et qui a entre temps bossé pour The Flaming Lips, OK Go, Thursday, Tame Impala...) doit être pour quelque chose à cette première sensation. Cette redécouverte d'un son 90's passée, c'est plus l'opposition entre les basses et les aiguës qui ressort, une opposition qui laisse Mogwai dans les hautes sphères, avec ces rares groupes capables de se réinventer en permanence et d'enchaîner les titres simplement superbes.
Et ils le sont quasiment tous sur ce nouvel album... Le chant n'est pas réellement présent, si ce n'est sur "Party in the dark", titre au format pop qui pourrait rivaliser avec les tubes de Grizzly Bear s'il était écouté dans un autre contexte. Ici, entouré de pistes instrumentales, il dénote quelque peu... tout en étant très bon. Mais voilà, placé après "Coolverine" et avant "Brain sweeties" qui sont deux perles absolues, c'est difficile de ne pas voir le morceau comme un casseur d'ambiance. Je préfère donc quand Mogwai brise son propre rythme en l'accélérant nettement ("Crossing the road material", "Battered at the scramble"), en insufflant de l'air et de l'électronique éthéré ("Aka 47" à l'opposé des sons des Avtomat Kalachnikov modèles 1947), en murmurant quelques textes où le chant n'est qu'instrument ("1000 foot face") ou en reprenant ses schémas les plus efficaces de progressions estampillées "post rock" ("Don't believe the fife") parce que si les quasi inventeurs du genre se plaisent à s'en écarter, c'est toujours un bonheur de reprendre une leçon avec eux.
Un des plus beaux artworks de sa discographie (avec celui de The hawk is howling ?), un producteur qui remet au goût du jour le son des débuts du combo, des titres fédérateurs qui portent la patte Mogwai tout en faisant preuve de renouvellement, les haters devront donc encore patienter avant de tacler Mogwai qui avec Every country's sun fait une fois de plus preuve d'un talent fou.
Publié dans le Mag #30