Mogwai - Hardcore will never die, but you will Au premier regard, le nouveau Mogwai fascine. L'atmosphère urbaine qui se dégage de son artwork, les couleurs, l'angle de la prise de vue, il y a là quelque chose d'assez inexplicable, une beauté glacée et fascinante qui laisse à penser que le groupe a d'ores et déjà réussi son coup. Lorsque "White noise", morceau inaugural de l'album débute, on sent les écossais complètement libérés de toute pression extérieure, de toute inhibition intérieure, l'éloignement géographique de ses membres qui vivent désormais à plusieurs centaines de kilomètres les uns des autres semblant avoir paradoxalement rapproché le groupe. Comme si cette difficulté "technique" inhérente à la distance avait fait l'effet d'un catalyseur sur le processus d'écriture des écossais, qui livrent ici un premier titre fabuleusement serein, léger et mélodique, affranchis d'un carcan "post-rock" dans lequel ils ont certainement du se sentir trop à l'étroit.

Lorsque vient le moment de passer à la suite, on se sent complètement en phase avec le groupe, qui dévoile alors des morceaux aux textures électroniques new-wave (le vocoder et les beats électrisants de "Mexican Grand Prix"), aux tentations rock grésillantes (un brin faciles) sur "Rano Pano", avant de revenir à ses premiers amours pour un post-rock tantôt diaphane tantôt massif ("Death rays"), toujours vibrant. Un tube plus tard avec le frondeur "San Pedro", véritable bombe à retardement en matière de rock salvateur à la mélodie en quête d'absolu et Mogwai de confirmer qu'avec cet Hardcore will never die, but You will, il est plus que jamais au sommet de son art, faisant à peu près tout ce qu'il veut avec une réussite quasi irréprochable et toujours cette aisance qui fait la marque des grands. Comme sur le très beau "Letters to the metro", une merveille contemplative au magnétisme envoûtant, ou "Too raging to cheers" petit bijou de sophistication post-rock et de mélancolie à fleur de peau.

Des morceaux toujours variés, quelques pépites comme à chaque fois avec eux, les britanniques ont fait plutôt fort mais se sont aussi offerts quelques petits ratés avec le très quelconque "How to be a werewolf" ou un "George Square Thatcher death party" aux turgescences synthétiques un peu poussives malgré un final intense. Mais encore une fois le vocoder fait des ravages... Des moments de léger égarement rapidement compensés par un "You're Lionel Ritchie", joue la carte du Mogwai le plus pur, concluant l'album sur un morceau de post-rock tempétueux et massif, tout en déferlantes soniques et crescendo éruptifs. Classe, comme l'est du reste "Music for a forgotten future", une pièce de quelques vingt-trois minutes, figurant sur l'édition 2xCD de l'album. Une ode évanescente et sublime propice à l'évasion des sens, l'abandon de soi au coeur d'une oeuvre, sans doute l'une des plus belles réussites du groupe... qui ne figure donc pas sur l'édition standard du disque. Enième paradoxe de la part du groupe quand on se dit qu'avec avec un titre comme Hardcore will never die, but You will, les écossais facétieux se sont décidément amusés à brouiller les pistes pour mieux égarer, surprendre et enchanter leur auditoire.