Pour pouvoir écrire sereinement sur un album, il est bon de se replonger dans ce que le groupe a proposé par le passé histoire de se rafraîchir la mémoire, avec Mogwai, c'est à la fois simple et compliqué. Simple parce qu'ils font partie de ces groupes que je n'arrête jamais d'écouter (et comment se passer de "Glasgow mega-snake" ?), compliqué parce qu'ils en sont à leur dixième album et déjà une belle palette de sonorités. L'histoire d'amour continue ici avec la classe d'un groupe qui gère son talent en patron malgré les vents contraires (la pandémie a contrarié pas mal de leurs plans et a forcé le groupe à enregistrer pas mal de trucs "en visio").
Si les choix de sonorités et d'effets donnent une forme d'unité à As the love continues, l'album apporte son lot de diversité avec un tas d'éléments qui permettent d'identifier chaque titre et lui donne un cachet particulier. Pour quelques-uns, la singularité est flagrante comme sur "Ritchie Sacramento", le seul titre vraiment "chanté" (par Stuart) mais qui s'intègre bien mieux à l'ensemble que "Party in the dark" sur Every country's sun, sur "Here we, here we, here we go forever" où l'on trouve des bidouillages électroniques et des guitares claires qui lentement se laissent gagner par des distorsions douces ou sur "Midnight flit" qui se voit être renforcé par un orchestre à cordes. Pour d'autres, ce sont des détails qui assurent le marquage comme cette phrase de Benjamin John Power (Fuck Buttons) qui ouvre "To the bin my friends, tonight we vacate Earth", la présence du saxo et de quelques mots de Colin Stetson sur "Pat stains" ou la discrétion des guitares et l'ambiance lumineuse de "Dry fantasy". Enfin, si "Drive the nail" et "Supposedly, we were nightmares" n'ont pas spécialement capté mon attention, Mogwai ajoute trois monstres à son panthéon personnel de morceaux qui définissent le post rock. Le dernier de l'opus est le premier que je cite car c'est une démonstration du genre, "It's what I want to do, mum" : quelques notes déclinées lentement, des couches instrumentales qui s'ajoutent délicatement, la saturation qui prend de l'ampleur et une fois que tout a bien mariné, un premier éclair de génie avec un rayon incandescent traversant une composition alors prête pour son implosion. C'est ça le post rock. C'est aussi "Fuck off money" aux qualités cinématographiques évidentes et qui cache pas mal de puissance derrière un paravent plutôt ouaté. Enfin, la grande claque de cette nouvelle livraison de pépites, c'est, pour moi, cette plage ultra dynamique, clairement rock, ce "Ceiling granny" enlevé qui occupera certainement une place de choix dans les futures set-lists.
Les pendules sont remises à l'heure, si d'autres combos réussissent de grands albums (Caspian récemment), les patrons sont toujours Ecossais. Réinventant sans cesse leur genre, les Mogwai gardent l'équilibre entre leur routine dans l'excellence et des innovations plus ou moins discrètes qui n'entachent en rien la globalité de leur œuvre.
Publié dans le Mag #46