Je tente un parallèle entre l'artwork de cet album et la musique qu'il renferme. La sculptrice prend un pain d'argile, le pose sur son plan de travail et commence à façonner un buste. Elle travaille ensuite la tête, esquisse un profil, trace un ou plusieurs visages d'une créature polymorphe. À ce stade, ce visage n'est qu'étranger (Ausländer en allemand). L'artiste a ensuite tout le loisir d'en sculpter à l'envi, selon ses désirs. Cette artiste, c'est Suzy Levoid, Miët pour son nom de scène qui est donc un pseudo et non un groupe. Pourtant, on aurait pu penser qu'il y avait plus d'une personne derrière cette Miët, tant la richesse de ce deuxième LP, aux multiples facettes, laisse croire à une confluence des talents. Mais non, Suzy Levoid, est seule, mais richement accompagnée d'une basse, entourée de pédales de loop, de drum pad et autres machines, et d'un micro pour le chant. Elle joue, chante, mixe en mode solo. Au regard de cet assemblage hétéroclite, on pourrait imaginer une musique expérimentale, achronique, conceptuelle. Rien de tout ça. Les 10 pistes de Ausländer, structurées comme des chansons classiques, revisitent l'indus, le rock, l'electro, le post-rock, voire le dark-wave. Avec un chant proche de Laetitia Shériff, un timbre clair et doux et une musique elliptique, toute en ondulations musicales et vocales, Miët, en véritable femme orchestre, a l'art de rendre l'espace sonore foisonnant. Expérimentale dans sa création mais accessible dans sa production, la Nantaise doit sûrement prendre encore une dimension supplémentaire sur scène. Mais que ce soit en live ou en studio, ce Ausländer de Miët mérite bien plus que s'y attarder, plutôt s'y poser, et apprécier ces 40 minutes de loops enivrants.
Publié dans le Mag #53