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Biographie > Matthieu

Le nom de Miegeville est assez courant dans la région de Toulouse, ailleurs il est associé au prénom Matthieu et évoque un artiste sympathique, touche à tout et qui fourmille d'idées. Des idées qu'il a toujours, jusqu'alors, voulu partager avec d'autres pour les sublimer autant que pour ne pas attirer toute la lumière à lui. Son travail, son imagination, son énergie ont déjà servi la folie de Psykup, l'intensité de My Own Private Alaska, la douceur d'Agora Fidelio, les mélanges de Cancel The Apocalypse, les écrits de Terre Neuve Collective ou la sensibilité de The Black Painters (et je ne liste pas toutes les fois où il est rencontré d'autres groupes en studio comme Hypno5e ou Ending Satellites) mais jamais il n'avait voulu vraiment avancer seul face aux projecteurs. Travestissant souvent son prénom en une marque de chocolat (MilKa c'est lui aussi), il l'oublie pour ce nouveau projet pour ne pas se présenter comme un "chanteur" mais parce que Miegeville ça sonne bien aussi pour un groupe. D'ailleurs il n'est pas seul dans cette aventure puisqu'il a embarqué avec lui Arnaud (guitariste rencontré pour monter Cancel The Apocalypse), Stéphane (électro-arrangeur connu pour différents projets dont Hello Bye Bye, Mouloud, Mobil Session Team...) et même son vieux pote Jouch (qui joue au sein de Naïve et réalise ici l'artwork). Plus qu'un "simple" projet solo, Miegeville est donc une bande de potes réunie autour d'un grand bonhomme. L'histoire commence avec un EP 5 titres intitulé Longue distance, elle se poursuivra avec un livre ("Là où convergent les points cardinaux") et un album (EstOuest).

Interview : Miegeville, Miegeville en interview (déc. 2019)

Miegeville / Chronique LP > EstOuest

Miegeville - EstOuest Miegeville nous avait laissé avec Longue distance, on le retrouve avec "Longue nuit" et un métronome qui compte un temps qui s'affole et nous a plongé dans le noir. Pessimiste, le refrain tourbillonne avec un piano guère plus encourageant, même la guitare semble pleurer et se perdre dans l'obscurité. La lumière revient de manière éclatante avec "Les couleurs, tu vois", peut-être mon titre préféré. À l'opposé du précédent, ce morceau enjoué donne à voir un avenir plus brillant au travers des yeux d'un enfant, un enfant qui y croit et qui redonne de l'espoir. "Tu peux l'attendre la fin des combats" est la première phrase de "Tu chantais", morceau qui fait écho à "La mort des combats" et à ses "Lalalala" que chantait Milka qui a rendu les armes, désabusé. Le timbre de Candice (Winnipeg) se mêle à la voix de Miegeville pour "La baleine bleue" (puis pour "Acte manqué"), autre texte aussi triste que poétique ("Je suis le squelette de la baleine bleue, je n'ai plus ni ma chair ni ma peau pour survivre, c'est la mort sur les os que je redeviens ivre, chaque soir, chaque soleil, à chaque fois qu'il pleut"). Aux couleurs éclatantes qui reconstruisent des cathédrales présentes sur l'artwork, "Blanche" apporte une couleur de fond, et si on est à l'opposé du noir, ne va pas imaginer y trouver une ode à la pureté ou à la fraîcheur, relie davantage les mots à la froideur d'un constat d'échec. Pour autant, Matthieu garde l'espoir, "Ma Garonne débordera" liste de petits plaisirs impensables ("Quand on choisira le goût des océans, cerise ou citron"). Le coup de poing de l'album défonce "Les portes", le rythme se fait binaire, les instruments nerveux et le flow en spoken word vener inarrêtable se permet de mixer Game of Thrones et Rassemblement National ("Marine n'est pas Snow, J'suis pas sauvageon"). Pour terminer, "Acte manqué" est la nouvelle version de "Ensemble dans le vent" avec le renfort de Candice et de quelques loops.

Ce rapide tour de l'horizon EstOuest permet de comprendre que Miegeville varie ses plaisirs en s'inspirant des déceptions que lui offrent le monde. Avec un véritable sens de la poésie, sans choc frontal basique, les dérives de l'Humanité attisent son inspiration plus que les sourires des enfants ou tout au moins du sien. L'environnement qu'on oublie, les conflits, une société brunâtre qui se replie sur elle-même au lieu de tomber les chemises, des technocrates qui ne veulent plus rêver, le futur n'est pas radieux... Que l'on cherche au Nord, à l'Est, au Sud, à l'Ouest, on ne trouve guère de bonnes réponses et la seule solution quand on est à tel point déboussolé, c'est peut-être de se contenter de créer, de façonner, de faire grandir des mélodies, des mots, et même des mômes, pour garder la perspective d'un demain meilleur.

Publié dans le Mag #40

Miegeville / Chronique EP > Longue distance

Miegeville - Longue distance "Bonjour je suis mort", c'est par ce titre et ces mots que Miegeville noue le contact, effectivement, la distance doit être longue si elle sépare deux mondes... C'est bien celui des vivants que nous conte un Matthieu en mal d'amour, de fraternité et d'attention. La petite guitare, les mélodies délicates et ce phrasé rappelle immédiatement Agora Fidelio et ce n'est pas pour me déplaire. Le rythme sourd s'oppose à la luminosité des parties électroniques mais avant de les remarquer, il faudra réussir à se détacher de la voix de MilKa, ultra captivante, elle nous unit "Ensemble dans le vent" et tout au long des cinq pistes, pour un peu il faudrait aller lire l'avis de non francophones pour mieux découvrir si cette capacité à nous ensorceler est due aux textes ou aux harmonies... Avec "Volga", pour moi, ce sont les mots qui ont le plus de force, les illusions (le mélodrame) de cette route qui nous mène au bord du fleuve doit permettre de trouver de la force pour se redresser et affronter le futur. Un avenir qui semble radieux après "La fin des combats", insouciant, le poète prêche la passion plus que l'opposition sans que l'on sache s'il est désabusé par la défaite ou libéré par la séparation. Le dernier morceau (oui, il n'y en a que cinq) est bien plus explicite, "10 heures 17", c'est l'heure à laquelle se déclenche un éclair qui va faire exploser quelques secondes plus tard près de 300 tonnes de nitrate d'ammonium rasant l'usine AZote Fertilisants et secouant Toulouse. Là encore le texte est ciselé et mérite que tu t'y attardes pour te replonger dans l'atmosphère de septembre 2001...

Parcours sans faute pour Miegeville qui peut se regarder dans le miroir ou dans l'œil de l'appareil photo sans rougir et en étant fier de son œuvre.

Publié dans le Mag #35