The Melvins - Freak puke Freak puke, un titre en forme de punchline et une sortie chez le décidément incontournable Ipecac (comme quelques-uns de ses prédécesseurs déjà), pour The Melvins en mode "Lite" et donc au casting resserré sur son expression la plus intime et personnelle. Exit le Big Business venu jouer les renforts de luxe depuis quelques temps, l'album est ici l'oeuvre d'un trio. Et majuscule s'il vous plaît. Soit Buzz Osbourne + Dale Crover + Trevor Dunn, voilà, le genre de line-up qui a méchamment de la gueule, auquel on pourrait presque ajouter un quatrième larron en la personne d'une contrebasse... "personnage" intégrant de ce dix-septième album de l'un des groupes les plus cultes de la scène rock nord-américaine des trente dernières années.

Laquelle contrebasse fait une entrée remarquée en ouvrant l'album sur une profondeur de champ assez vertigineuse, à tel point que l'on se demande au bout de quelques secondes si justement l'ensemble ne va pas sauter à la figure de l'auditeur. Comme une menace presque sous-jacente, elle instille le doute, un début d'effroi que la suite va effacer rapidement pour laisser place à un rock fougueusement jazzy, mâtiné de blues cramoisi et d'un feeling incandescent. "Mr. Rip Off" est de fait l'une des plus belles et fascinantes introduction d'albums entendues depuis un bon bout de temps. Envoûtante et ténébreuse... ouvrant ainsi la voie à une suite qui s'engouffre dans la brèche créative ainsi inaugurée. La paire "Inner ear rupture" / "Baby, won't you weird me out" garde cette griffe mélangeant tour à tour musique contemporaine, rock indé expérimental, jazz/blues abrasif et esprit punk libertaire aux expérimentations fugitives que ne renierait certainement pas Fantômas. Brillant.

Pratiquant l'hybridation rock au sens très large comme d'autres pondent tous les deux ans des albums ultra-calibrés pour surtout ne pas surprendre, les Melvins sont ici en roue-libre. Faisant absolument tout ce qu'ils veulent au gré de leurs délires et inspirations, comme à leur habitude, sauf que cette fois peut-être (sans doute...) encore plus, laissant ainsi libre cours à un "Worm from Waltz" se permettant des ruptures de rythme parfois impromptues mais dans le même temps outrageusement jouissives, avant que "A growing disgust" ou "Leon vs. the revolution" ne reviennent à des fondamentaux plus rock dans le plus pur sens du terme. Mais, toujours insaisissable, le trio ne semble décidément pas pouvoir s'empêcher d'explorer les horizons (free)jazz qui le titillent sur "Holy barbarian" avant de livrer un éponyme, taillé pour enflammer les live, de s'amuser avec une reprise de Paul McCartney, "Let me roll it" (pourquoi pas ?) et de conclure ses électriques et fougueux ébats, toujours en iconoclastes du rock moderne, sur un "Tommy goes beserk" aussi fougueux que bouillonnant. Ou la preuve que l'on peut avoir trente ans de carrière, une grosse quinzaine d'albums au compteur et avoir toujours des choses à dire sans tricher. Et on ne triche pas (avec) chez les Melvins. Que cela soit dit.