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Maudits / Chronique Split > Maudits / Saar

Maudits Saar  split (Source Atone Records) S'ils étaient réunis sur le Mag #49, c'était dû au hasard de la date de sortie de leurs dernières productions respectives... et à leur talent car Saar et Maudits sont forcément toujours les bienvenues sur nos pages. Leur goût commun pour un métal instrumental, torturé, sombre et enlevé débouche presque "logiquement" aujourd'hui sur un split album béni par le label désormais inévitable Source Atone Records.

Un disque partagé sur le thème de l'amour contrarié parce que vouloir câliner un crâne s'apparente plus à de la nécrophilie qu'à du romantisme. Et le "Loved" de Saar qui ouvre les ébats semble lui aussi difficile. Est-il conjugué au passé (et donc à pleurer) ou transitif (et donc subi) ? Le seul mot ne donne pas la réponse mais la musique, heurtée, lourde, tranchante, laisse imaginer que l'amour est à sens unique ou tout au moins compliqué, les guitares évoquent des déchirements, la batterie des portes qui claquent et la basse les battements d'un coeur qui ne trouvent pas d'écho. L'histoire d'amour de Saar s'écrit donc certainement au passé...

Chez Maudits, "Breken" peut se traduire par "cassé", "rompu" ou "brisé" (en néerlandais), c'est une rupture non conventionnelle en trois parties et plus d'un quart d'heure que nous découvrons donc en deuxième piste. Assez aéré, le premier élan laisse s'installer l'ambiance et quand les guitares relâchent les pédales, les autres instruments occupent l'espace, notamment le violoncelle de Raphaël Verguin (Psygnosis, Hypno5e) ou la basse. La "Pt. 2" (qui n'est pas détachée sur le tracklisting mais le timing est écrit avec le titre) ressemble à un interlude où différentes sonorités viennent troubler la mise en place, la rupture est là, on entend au loin l'orage gronder mais la rancune sera contenue, les six cordes préférant pleurer sur leur sort que s'acharner sur nos oreilles.

Au final, le seul amour qui ressort grandi de ce split, c'est celui qu'on a pour ces deux combos, capables sans cesse de se renouveler et nous toucher.

Publié dans le Mag #53

Maudits / Chronique LP > Angle mort

Maudits - Angle mort Si Maudits a repris beaucoup d'ingrédients découverts avec son premier opus (déclinaison de l'artwork, nouvelle version d'un titre, ambiance peu réjouissante...), le trio a calmé ses (h)ardeurs pour presque gommer ses aspects métalliques (quelques embardées du côté de l'obscur "Epäselvä" prouvent qu'ils n'ont pas totalement rangé les pédales de distorsion), et peut être simplement désormais qualifié de post rock.

Comme si le premier album devait assurer une liaison avec leurs autres activités et qu'ils avaient pris conscience de pouvoir réussir ailleurs, Chris et Olivier, désormais accompagnés d'Erwan (qui a donc remplacé Anthony à la basse), se sont laissés porter par leurs envies, étirant les idées, mélangeant les sons, faisant exploser les petites barrières qui pouvaient encore résister à leurs désirs d'aller plus loin. En amenant des éléments forts dans certains titres, ils assurent une identification des morceaux et apportent de la diversité dans une œuvre qui sans cela pourrait sembler monolithique. Ainsi Nicolas Zivkovich (Fiend, Ddent, Les Tigres Du Futur...) prête sa voix sur "Verdoemd" (qu'on traduit par "Condamné"), non pas pour y chanter mais pour lâcher quelques mots comme sortis d'une communication téléphonique lointaine, un texte qui contrebalance la clarté de la guitare et nous plonge dans l'angoisse avant que le violoncelle de Raphaël Verguin (à l'œuvre entre autres chez Psygnosis) ne vienne rapporter un peu de chaleur et donner une teinte plus mélancolique à l'ensemble. Oui, la tristesse a gardé toute sa place chez Maudits, peu optimiste le combo paraît cette année assez peu combattif (serait-ce vraiment "Perdu d'avance" ?). C'est une forme de spleen qui domine l'ensemble, on a donc des notes lancinantes, des distorsions assez douces, quelques graves assez pesants, bien qu'annonçant (encore) une sorte de résilience, dans ce titre ("Résilience 2021"), on encaisse le coup, le rebond n'est pas pour tout de suite quand bien même un peu de lumière filtre à travers la composition. Des rais vite balayés par "Epäselvä", plus dur, plus rapide, plus saturé.

La règle se confirme une fois de plus, il faut toujours surveiller l'Angle mort. Encore incroyablement chargé en émotion, ce nouvel album de Maudits témoigne de l'intérêt de ses géniteurs pour une musique différente et de leur volonté à faire vivre ce projet qui n'est clairement pas qu'un "à côté".

Publié dans le Mag #49

Maudits / Chronique LP > Maudits

Maudits - Maudits Olivier était à l'initiative de la création de The Last Embrace, il était hors de question pour lui de rester hors de la sphère métal créative et de se contenter du rôle de renfort live pour Ovtrenoir et Throane, il a donc formé un nouveau groupe avec deux autres acolytes passés par TLE : Christophe et Anthony. Pas de chanteur à l'horizon ? Pas grave, ce sera instrumental. Les mots seront peu nombreux, autant bien les choisir, celui du groupe va aussi être celui de ce premier album et même presque celui du premier titre (au singulier quand les deux autres sont au pluriel) : Maudits.

Métal sans être trop agressif, rock mais avec une saturation puissante, totalement instrumental, pas tout à fait "post", pas vraiment davantage "progressif", la musique proposée par le trio est peu évidente à définir. On peut simplement dire qu'elle a de l'envergure, qu'elle sait prendre de la hauteur et que le relief permet des variations de rythmes et provoque quelques belles sensations. Grâce à la présence de quelques cordes (des violons de temps à autres), Maudits se dote d'un côté cinématographique et accentue la narration d'une histoire qui dépasse le cadre strictement musical. Il n'y a pas de texte mais les quelques mots laissés pour guider la route sont évocateurs : "Maudits" pour une damnation inéluctable, "Résilience" tout en rage, "Liminal" qui n'est qu'une ambiance qui sort d'un brouillard de sons, un "Grain blanc" tempétueux particulièrement salé, un "Solace" chaleureux et "Verloren strijd" qui veut se dissimuler derrière du néerlandais et un peu de post-hardcore pour ne forcément s'avouer vaincu même si les Maudits ne s'en sortiront pas (et c'est peut-être ma plage préférée).

Maudits nous fait vivre toutes les émotions, toujours avec une grande précision dans les sonorités choisies, dans les rythmes employés, dans les notes sélectionnées, c'est un travail d'orfèvre brodé au fil d'or pour un résultat complètement immersif, le genre d'album qu'on écoute dans le noir absolu pour tenter d'en percevoir toutes les subtilités. En profiter est une chance, provoque-la tienne.

Publié dans le Mag #45