Jusqu'à ce 25 janvier 2022, je n'avais pas connaissance de l'existence de Matrass, quintet bordelais sévissant depuis 2016. Mais Clément Duboscq a corrigé cette lacune. Et je ne peux que l'en remercier. Car j'ai pris une sacrée claque à l'écoute d'Inner wars, deuxième EP de cette solide formation emmenée par la voix envoutante de Clémentine Browne, nouvelle venue en remplacement du précédent chanteur.
Pourtant, sur le papier, ce n'était pas gagné d'avance, car Matrass ne remplit pas les critères qui m'engagent à poser le disque sur ma platine et à enclencher le bouton "play" de ma hi-fi. Comme quoi, c'est tellement bon de sortir des sentiers battus et de se laisser porter par son instinct. Et pour le coup, je ne regrette pas ce voyage dans l'univers généreux des musiciens du Sud-Ouest. Subtilement généreux, même. Car mélanger avec brio ce bouillon de culture avec les des ingrédients aussi divers et variés que le post rock, la fusion, le jazz, le stoner et même le spoken word, ce n'est pas donné à tout le monde. Alternant voix douce et cris torturés (me faisant parfois penser des ambiances vocales de Kirsten Haigh de Senser sur Asylum), Clémentine joue avec nos émotions pendant que ses compères mélangent les genres en retombant toujours sur leurs pattes. "Parasites", qui ouvre cet EP, démarre les hostilités de la plus belle des manières avec un riff pachydermique mis en lumière par un duo basse/batterie explosif puis, par une alternance de sonorités jazz et funk pour retomber dans le chaos sonore. "The tide" suit la même trajectoire avec sa guitare arpège harmonieuse lancinante et son mur du son oppressant et incontrôlable. "Y", subtil et posé avant que la machine (ff)fusionnante, alternative puis chaotique ne s'emballe, est une belle réussite, au point de ne pas voir défiler les presque 9 minutes de mon titre préféré du disque. "Berserker" est peut-être le titre le plus facile à aborder pour son coté rentre dedans sans fioriture mais avec beaucoup de rage et de mélodie. Touché coulé, encore une fois. "Soldier", clôturant toute en souplesse et en nervosité, ce format court (pas si court que ça avec 30 minutes au compteur), voit la participation au chant et au violoncelle de l'artiste Qlay. Inner wars est un disque aussi riche en mélodies en tout genre qu'en émotions diverses et variées, et je suis bien heureux de m'être laissé surprendre par ces talentueux musiciens. Clément, si tu as encore des pépites du genre, tu me fais signe, hein ?
Publié dans le Mag #50