Cette fois-ci, on ne les a pas loupés ! Pas question d'attendre plusieurs mois après la sortie de leur album pour intercepter les Mars Red Sky et les questionner sur Apex III qui, à l'heure où on les a interviewés n'était même pas encore disponible... Timing parfait et entretien plus qu'agréable, enfin, ça, c'est à toi de juger...
mars red sky
"Apex" se traduit par "sommet" mais peut avoir plusieurs significations, quelle est la votre ?
Mat : Dans notre cas, complété par le III, ça évoque plutôt le triangle, mais aussi le troisième « sommet » parce que c'est notre troisième album, et on est en trio.
Julien : Et on est chacun le plus haut sommet du triangle.
Vous avez retravaillé avec Gabriel Zander mais près de chez vous. Vous avez dû négocier pour l'amener en France ou ça ne lui a posé aucun problème ?
Mat : En fait la rencontre avec Gabriel a été avant tout humaine, donc il est comme nous, si tu nous appelles pour dire « hé les gars, venez enregistrer chez nous de l'autre côté de l'océan ! », on ne te dira pas non ! Donc, la négociation n'a pas été de rigueur ! De toute façon, il nous paraissait évident de retravailler avec lui après Stranded in Arcadia, déjà parce qu'on est super heureux de son travail de producteur, qu'on adore la personne et aussi on lui en devait une, c'est à dire qu'il nous a tellement sauvé en nous ouvrant son studio il y a 2 ans quand on a échoué notre vaisseau au Brésil, qu'on avait envie cette fois qu'il soit notre invité. Donc on l'a mis dans un avion avec son copain Jake avec qui il bosse en binôme et on a fait l'album à Bordeaux, à la maison.
Votre son est immédiatement identifiable, vous imaginez changer les réglages des pédales ?
Julien : On sort justement d'une résidence lors de laquelle on a pu réadapter les nouveaux morceaux à la scène, les titres évoluent forcément en studio, certains arrangements deviennent essentiels et donc on a encore affiné les choses, tout en gardant une base cohérente pour les morceaux antérieurs à Apex III. En tout cas, j'ai plus assez de place sur mon pédalier. Et il y aura maintenant un gros soleil tout rond qui fait plein de bruit entre nous et les nouvelles vidéos de Geoffrey !
C'est encore Carlos Pop qui gère les artworks, celui de l'album est plus facile à lire que celui de Stranded in Arcadia mais moins flamboyant également. C'est dur de se mettre d'accord sur un visuel ?
Jimmy : Nous avons pour la première fois un peu galéré à choisir car on avait un visuel pour le EP Providence extrêmement fort. Les pochettes et les illustrations complètes sont très importantes pour nous, ils racontent une histoire, tu verras quand tu auras l'objet en main, il y a quand même beaucoup de choses à se mettre sous la dent à l'intérieur, tu peux même prendre une loupe...
"Friendly fire" sonne assez pop, un peu british, avec de jolis sons clairs, qu'est-ce qui influence un titre comme celui-là ?
Mat : C'est marrant, je me souviens précisément comment ce titre est arrivé. Jimmy et moi étions au local en train de jammer sur un riff de basse qu'il avait en tête. Ce qui est devenu le refrain de la chanson. Et Julien est arrivé en cours de répète, et quand il a entendu ça, il a aimé le côté « majeur » du truc qui change un peu, et il nous a joué un truc qu'il avait en tête pendant son trajet en bus pour nous rejoindre. Et c'est le riff des couplets. On les a mis bout à bout et voilà. Je sais ça casse le mythe, mais c'est vraiment comme ça, que ça s'est passé. Bien sûr, il y a eu beaucoup de boulot d'arrangement et sur plein de petits détails qui font la différence. Après ce qui influence un titre comme celui-ci, c'est forcément notre côté Pop de la force, comme on dit souvent ! On aime des choses très variées, de la Pop 60's au Metal de campagne, donc là oui, on est plus proche de Paul Simon que de Cannibal Corpse, ça va sans dire.
Mais c'est vrai qu'à un moment, on s'est demandé si un titre comme celui-là avait sa place dans MRS, et on s'est dit que sur un troisième album, c'était même plutôt bien venu. Et au final pour moi on retrouve quand même les éléments qui font notre son, il y a des passages lourds et ralentis, des passages en son clair, comme d'hab' quoi.
Julien : On est très contents de ce morceau. C'est un bon exemple de notre manière de fonctionner. Le plus drôle est que j'imaginais jouer ce thème du couplet toutes fuzz dehors, très heavy blues mais quand je suis arrivé et qu'ils jammaient déjà sur deux accords bien lourds et saturé, le truc s'est retourné. Dans le même genre, Mat a amené le riff heavy de "Mindreader" qu'on a fait tourner pendant des plombes jusqu'à trouver le tempo et les intentions qui nous convenaient tous les trois. Les mélodies de guitare et placements de basse sont venus se poser par-dessus, puis on a joué au puzzle tous ensemble.
Le début de l'opus est très calme, il fallait se reposer après les concerts ?
Plus sérieusement, quand composez-vous ? Les idées apportées par les uns et les autres sont-elles beaucoup modifiées par le groupe ?
Mat : Le processus de compo est lent mais une fois qu'on est tous les 3 dans la même pièce, connectés, ça va assez vite, et on est assez efficace et complètement sur la même longueur d'onde. On se ferme pas de portes, tout le monde y trouve bien son compte je pense. Julien a ses belles mélodies, Jimmy ses gros riffs sur 2 notes, et j'ai quelques rythmes indiens donc on est tous heureux ! On compose parfois en balance, mais on prend ensuite des temps ensemble, de plusieurs jours consécutifs pour mettre les idées ensemble. Oui il se peut que certains plans changent complètement, d'autres restent sous leur forme originale. Ce qui est sûr, c'est que pour cet album, on a vu que naturellement, les nouvelles chansons ouvraient la voie vers d'autres univers, des trucs encore plus planant, progressifs mais aussi plus massifs et lourds qu'avant. Encore une fois, l'idée est de ne pas refaire le même album que le premier ou le deuxième, et je crois qu'on a réussi.
Julien : Aussi Mat étant sur Angoulême et Jimmy et moi à Bordeaux, on ne répète pas toutes les semaines à créneaux fixes. Souvent les idées fusent et on peut mettre en place des morceaux assez vite parfois. Puis on part en tournée, tout ça reste au placard, et quand on ressort les chantiers en cours parfois il va falloir du temps pour tout se remémorer ou parfois on va décider de changer des choses... En tout cas, on essaie toutes les idées mises sur la table, que ça soit un riff, un pattern ou un morceau guitare/chant quasi tout fini si il plaît comme ça aux copains.
Fin janvier, vous avez rencontré une classe de CE2, qu'est-ce qu'ils ont pensé de votre musique ?
Mat : C'est la deuxième qu'on fait ce genre de rencontre. Et on apprécie tous ça. En plus, on ne change rien à notre musique à part qu'on baisse un poil le son. Certains ont parlé de conduire une bagnole dans le désert, ils nous ont surtout demandé si on avait de vrais prénoms !
Julien : C'était épatant. Il semble que c'est à cet âge-là qu'on peut vraiment avoir des déclics, une passion qui débute...
Le EP Providence est sorti fin janvier, un mois avant l'album donc, il contient deux titres qui ne seront pas sur Apex III, c'est du rab' ou dés le départ vous aviez enregistré des titres pour d'autres sorties que l'album ?
Mat : Le titre « Shot in providence » fait partie de la session Apex III. Ensuite «Sapphire vessel » est composé de la fin de Apex III complété par une extend sur laquelle on retrouve des invités. C'est un titre volontairement expérimental. Et "The homesick deaf" est un extrait de la longue pièce « Into the Mars Red sound » qu'on a composée et jouée en mai 2014 avec Julia Al Abed, une compositrice de musique concrète. La version CD contient aussi 4 live de titres des premier et deuxième albums.
Le morceau phare c'est "Shot in providence", pourquoi celui-là ?
Mat : Alors oui et non. Oui car c'est le premier morceau composée en vue d'un nouvel album, mais c'est aussi celui qui a été recalé pour la version LP de l'album par faute de temps. Donc on a décidé de le mettre sur le EP en face A. On aime beaucoup ce morceau, mais on aurait pu mettre un autre en avant comme "Mindreader" ou "Whinery" ?
Julien : Je crois que les plus accessibles sont justement "Friendly fire" ou "Under the Hood"... Mais on n'a pas encore vraiment mis ceux-là en avant, ils sont peut-être un peu hors-normes car plus classiques..
Le clip est assez particulier avec un début sur de vieilles chutes de chevaux et un final très glauque, ce sont vos idées ou vous avez laissé carte blanche à l'auteur ?
Julien : Jimmy et Geoffrey qui nous accompagne et fait les lumières et vidéos ont fait cette vidéo à base d'images d'archives, remontées, ralenties / accélérées, passées à l'envers... Ils ont fait un boulot remarquable je trouve, notamment leur interprétation ou vision des paroles, la libre association d'idées ou d'images a priori sans rapport..
Pour les concerts, vous établissez une set-list de base que vous modifiez peu d'un soir à l'autre ou c'est modifié tous les soirs ?
Mat : On est justement en train de décider. Ça devient de plus en plus compliqué de choisir, vu que chaque morceau fait toujours ses 6 minutes si ce n'est plus. On a envie de faire la part belle au nouvel album tout en continuant d'honorer les anciens. Et ça dépend des formats de set que l'on a en fonction de notre place sur un festival, ou en club. La semaine dernière, on a fait un set spécial composé dans sa première partie des 8 morceaux de l'album enchaîné dans un ordre différent suivis de 3 ou 4 anciens. C'était très plaisant et aussi un sacré défi car les nouveaux demandent pas mal de concentration, mais on a tous passé un bon moment... Et le public aussi visiblement.
Vous avez de la place pour l'improvisation sur certains titres ou tout est bien préparé ?
Mat : Non, on a tous quelques moments où on peut sortir des rails, surtout entre les morceaux, mais en ce qui me concerne j'ai quelques parties qui sont sujettes à évoluer. Ça rend les choses plus excitantes.
Jimmy : Nous préparons des surprises sur les set-list, nous allons certainement aller de plus en plus loin en créant quelques hybrides à partir de titres différents...
Cet été, vous allez jouer aux Etats-Unis, ça ne va être que du fun ou il y a vrai enjeu de développement du groupe outre-Atlantique ?
Mat : Pour moi, ça va ensemble, pour bien développer son groupe il faut s'amuser en premier lieu, sinon tu ne développes rien ! Donc oui, cette tournée est axée autour de plusieurs festivals avec des groupes plus importants que nous, qui sont fait pour exposer le groupe là-bas, et on va aussi faire des dates en club devant des gens qui nous connaissent, donc plus confidentielles. Bien sûr, on est hyper content d'enfin aller là-bas, pour une vraie tournée, même si le groupe a déjà fait la côte ouest et le SXSW il y a 4 ans.
Aller jouer aux Etats-Unis, dans le désert du côté de Las Vegas, il y a un côté pèlerinage ou ça ne vous émeut pas plus que ça ?
Mat : Pour avoir mis les pieds à Vegas il y a quelques années, je peux t'assurer que cette cité perdue au milieu du désert n'a premièrement rien à foutre ici et ensuite incarne tout ce que je déteste concernant les US. Malgré ça, ce festival a l'air fantastique et je suis sûr qu'on va passer du bon temps là-bas ! Puis évidemment que ça nous fait quelque chose de jouer à Vegas et aux US en général. On va faire le St Vitus bar à Brooklyn aussi. Sans déconner ça sonne quand même non ?
Les projets annexes à Mars Red Sky sont tous mis de côté pour le moment ou vous arrivez à trouver du temps entre deux road trips ?
Mat : De mon côté, je continue à jouer aux côtés ou plutôt en face de James Leg avec qui je viens d'enregistrer un nouvel album, et Epiq fait quelques dates quand justement le calendrier le permet. Mais oui pour cette année MRS est la priorité.
Julien : Pour ma part, j'ai entamé un troisième album solo, et en effet les sessions d'enregistrements sont calées entre les périodes d'activité de Mars Red Sky. La plus grande partie est déjà enregistrée. Il devrait sortir en fin d'année. Tout comme un album avec Queen Of The Meadow et un projet encore en chantier avec Emily Jane White, tout ça dans une veine plus folk acoustique "aquatico-aérien". Après il suffira d'accorder les agendas mais en effet Mars Red Sky passe en premier pour le moment.
Enorme merci aux Mars Red Sky pour leur disponibilité, leur sympathie et leur génie. Merci aussi à Listenable Records.
Credit Photos : Oskar Sztramka