Les_Marquises_Pensee_Magique Avant d'aborder le nouvel opus des Marquises, projet collectif instauré vers 2010 par Jean-Sébastien Nouveau d'Immune et Colo Colo, je recommande à tous ceux qui n'ont pas pu coller leurs fines oreilles expertes en musiques exigeantes sur Lost lost lost de le faire. Ne serait-ce que pour découvrir au préalable dans quel monde sonore vit son géniteur qui, lui-même influencé par l'art en général, se complaît à lui rendre hommage dans son processus de création. Après la vie solitaire de l'illustrateur Henry Darger sur un premier album aux accents post-pop, folk et électro-ambiant, Pensée magique met en lumière le 7ème art, celui dont "les thématiques de la jungle et du sauvage [...] permet de jouer avec l'imaginaire de l'auditeur", pour citer la note de présentation de ce deuxième album. Cet ancien étudiant en cinéma cite d'ailleurs volontiers les films "Fitzcarraldo" et "Aguirre, la colère de Dieu" de Werner Herzog, "Sa majesté des mouches" de Peter Brook ou encore "Les maîtres fous" de Jean Rouch pour justifier son propos. Ca peut vous situer l'univers sonore attendu avant l'écoute du disque : indomptable et sinueux.

Accompagné d'une ribambelle de potes musiciens (NDR : La liste complète se trouvant sur la fiche du disque), Jean-Sébastien Nouveau a composé, arrangé et mixé à la maison sept titres qui oscillent entre rock minimaliste répétitif et pop feutrée. Une musique extatique misant sur la pulsation rythmique pour procurer des effets psychoacoustiques à l'auditeur. Et ça marche ! Les Marquises nous bercent, nous hypnotise si bien que nous sommes prisonniers de cette densité de sons (chant, violon, trompette, percussions, claviers, melodica, violoncelle, basse, zither, saxophone) dans laquelle il est, en effet, difficile de s'échapper. Il y a quelque chose de très Can derrière tout ça, une envie herculéenne d'explorer, à travers des rythmes hétéroclites, de singuliers amalgames sonores convoquant autant la confusion ("In the forest") que l'imaginaire onirique aux effluves narcotiques ("The visitor"). On pourrait établir un rapprochement honnête entre Pensée magique et le dernier Ulan Bator, pour ne citer que lui, tant la lugubrité, l'anxiogénéité et le mystère rôde autour de ces œuvres.

Le nouvel album des Marquises est très marquant dans son approche introspective et risque fort de s'inscrire dans mon top de l'année tant sa conception, son rendu général et sa beauté sont exceptionnels. Ce disque vient suppléer un Lost lost lost qui, avec le recul, manque cruellement de cette folie créatrice et dont les limites ont pu être constatées avec l'écoute de Pensée magique. Un album hautement recommandable !