A quelques heures d'un concert extraordinaire aux Vieilles Charrues devant 40 000 personnes, Franck, chanteur et percu du groupe nordiste, nous accorde une interview sur le fil, dans une bonne ambiance et surtout dans le bon esprit !!!
Marcel en live
Vous tournez comme des fous et quand vous avez un break, vous enregistrez des disques : vous ne vous arrêtez donc jamais ?
On a fait ça pendant un certain temps, c'est vrai (rires). Là, par contre, c'est la dernière date de la tournée ce soir, il n'y aura pas d'autres dates avant mars 2001, et c'est vrai que, bon, on va déjà prendre un petit peu de vacances et ensuite on va s'enfermer pour composer. Disons qu'auparavant, on n'avait pas trop le choix, c'est-à-dire qu'on n'avait pas du tout les moyens de faire autrement, et c'est pour ça aussi que pour le 1er album, même si j'aime bien pleins de trucs, je ne suis pas du tout satisfait du son parce que c'est 14 titres enregistrés en 9 jours, mix compris : ben, c'est une autoprod' et puis c'est le système démerde quoi ! Le 2ème album, on a eu un peu plus de temps, et là, ce qui est bien, c'est que c'est la 1ère fois qu'on va pouvoir réfléchir toutes les compositions, s'arrêter et puis travailler. Donc, si on le loupe, on n'aura pas d'excuses et puis, l'an dernier, c'est vrai qu'on a passé 200 jours sur la route, on a dû faire 120-130 dates... cette année, on s'est à peine posé, on a rattaqué entre mars et aujourd'hui entre 12 et 15 dates par mois et là il y a besoin de souffler un peu, ouais c'est vrai !
Justement, tu parlais du fait que vous sortiez vos albums en indépendant : est-ce que c'est une volonté de votre part de ne pas chercher à être signé et de ne pas vous faire enculer par un label, ou alors est ce que l'indépendant, c'est la solution pour être tranquille et faire ce que vous voulez ?
Ben, il y a pleins de questions là dedans ! Disons que c'est un peu compliqué... Au départ, ouais, c'est vrai que c'était un choix, puis après c'était une vraie méconnaissance de la profession. Et puis, il y a aussi le fait que l'on s'est dit que si on savait le faire, pourquoi est-ce qu'on devrait filer notre savoir-faire à d'autres, tout simplement ! Et le problème, c'est qu'on s'aperçoit que sur le dernier album, on a dépassé les 30.000 ventes, on va arriver à 35.000 bientôt, et après on ne peut pas aller au-dessus, on ne peut pas aller au delà... et que malheureusement, après, c'est des histoires d'économies, même en ayant vendu 35.000 disques, tu vis pas ! Tu vois, tu ne peux pas vivre sans faire pleins de concerts dans l'année donc, ça fait que ça créé quand même un inconfort matériel, qui fait qu'il faut réfléchir autrement. Alors, on ne sait pas... on a envie de continuer à se produire, par contre chercher une distribution différente. Mais après, je pense que c'est vraiment un état d'esprit, c'est des histoires de politique, c'est à dire qu'on n'a pas envie de serrer la main à des gens qui se foutent de nous mais qui nous voient juste comme un atout économique essentiel ! Ca, c'est pas bien !
Sous des textes rigolos et une attitude délirante pendant les concerts, on sent tout de même, à l'instar de "Si ça rapporte..." que vous avez des trucs à dire et que vous êtes un peu engagés, et donc faire des textes qui vont faire réfléchir !
Je ne sais pas, moi, je crois qu'il n'y a pas que "Si ça rapporte..." finalement ! Il y a quantité de textes qui ne sont pas neutres. Après, moi, j'aime pas le coté manichéen des choses : "ils sont très très méchants, non ce n'est pas bien", le coté "nique, respect, le bon, le méchant", ça me dérange ce coté, tu sais... bivalent, ça m'enmerde quoi ! Et j'ai envie de dire que, par exemple dans "Arrête ton crin crin", ça m'amusait de parler des délits de sale musique dont parlait Mégret, les musiques qui véhiculent le mauvais instinct, il parlait du rap, de la techno, et en me disant "tiens, on va faire un délire là-dessus, et si la musique vraiment subversive c'était l'opérette !", en délirant complètement, parce qu'après tout, quand la valse est apparue, il y a eu des grincheux qui ont dit que c'était obscène, que c'était la 1ère fois qu'on dansait corps à corps ! Donc, à chaque fois, il y a eu des délires comme ça. Ca nous amusait ...après, au moment du PACS, ça m'amusait aussi de reprendre les beaux adages cathos "aimez vous les uns les autres", le détourner en en faisant un beau blasphème "aimez vous les uns dans les autres", et dire "si la femme de ma vie avait un zizi" : une façon un peu d'aborder le problème de l'homosexualité. On dit les choses quoi ! Mais je pense qu'on ne le dit pas d'une façon parfaitement directe et à partir de là, on a le sentiment que c'est pas engagé... Mais je pense qu'il n'est pas nécessaire d'être solennel, d'être grave pour avoir des choses à dire et d'ailleurs, je crois que je déteste le coté "lever le poing", très en colère, ça, ça me met mal à l'aise !et puis, nous, on considère que le rire tue la peur et que la vraie subversion, pour nous, est dans l'humour. Tu peux le voir chez Coluche, tu peux le voir chez Déproges, tu peux le voir chez quantité d'artistes comme Chaplin : tu vois, "Le dictateur", c'est peut être quand même le plus grand film antifasciste, pourtant c'est des clowns !
Marcel en live
Qu'est ce que vous a apporté la tournée que vous avez fait l'année dernière avec la Ruda Salska ?
On se connaissait un peu déjà, mais bon, ça a donné une super rencontre, et puis c'était super bien réfléchi de la part du tourneur. Je pense que ça a fait connaître les deux groupes à la France entière ! C'est une tournée qui a fait le plein, et c'était vachement bien, parce qu'il y a une frontière un peu en France qui est la Loire, ils étaient plus connus que nous en-dessous de la Loire, on était plus connu qu'eux au-dessus : donc, une fois sur deux, il y a un groupe qui faisait locomotive. Et ça fait qu'on a joué tout le temps dans des salles pleines et ça a permis à des gens de découvrir cette scène là ! Et bon, c'est un vrai plaisir ! Et après, la Ruda je vais pas leur frotter la manche ! (rires) Voilà, c'est des potes !
On travaille pour un webzine : qu'est ce que tu penses du développement du multimédia et d'Internet ?
Pour le moment, moi je ne suis pas équipé, j'ai rien de tout ça et donc, je le regarde d'assez loin... Je trouve ça assez fantastique ! Après, j'ai envie de dire que, de toute façon, ce n'est qu'un outil, un outil, c'est génial si tu sais t'en servir, si tu sais pas t'en servir, ben c'est toujours difficile de visser avec un marteau ! Après, le fait que t'ais une question, etc, et que tu te dises "voilà, je peux trouver la réponse", bon, un très bon dictionnaire peut faire l'affaire ! Là, l'avantage, c'est que ça te donne accès, quand même, à toutes les bibliothèques du monde, et même les bibliothèques les plus parallèles : je trouve ça hyper intéressant et puis le fait aussi que c'est plus des connexions qui vont être universitaires ou solennels via toute une connaissance bien bien cadrée, il y a tout un système de rencontres "tiens, j'ai envie de voir, éventuellement en me connectant, comment vit un mec au Sénégal, comment vit un mec dans tel pays", et pouvoir aussi échanger les impressions librement, je trouve ça assez merveilleux. Le fait que c'est la 1ère fois qu'on peut avoir des correspondants dans le monde entier sans passer par le collège, sans qu'il soit choisit, etc, ça, c'est génial !
On va faire une hypothèse : vous sortez encore 3-4 albums, ils se vendent à 10.000.000 d'exemplaires, et vous êtes coté en bourse : est-ce que vous achetez le R.C. Lens ?
(rires) Non, je ne pense pas qu'on puisse un jour être coté en bourse, parce que faut être volontaire pour ça, et je pense pas qu'on le soit ! Gagner de l'argent, ça ne me dérange pas pour parler très franchement : pour moi c'est pas grave ! L'important, c'est ce que t'en fais de l'argent, et l'important, c'est comment tu le gagnes !
Est ce que t'achètes le club alors ?
Non, certainement pas, non, je crois pas !!! (rires) Je crois plutôt que si j'ai les moyens de participer et de défendre activement des causes qui me touche, ben voilà, là je pourrais mettre des actes sur mon discours. Toute l'histoire des combats, c'est aussi un question de moyens... il y a pleins de gens qui ont des idées sensationnelles pour changer les choses mais qui n'ont pas les moyens. Le jour où tu peux avoir les moyens, c'est génial quoi ! Achetez nos disques !!! (rires).
Ok merci !
C'est moi qui te remercie !
Merci beaucoup à Franck et à l'ensemble de la formation du 5.9