Après les salles, Marcel et Son Orchestre est de retour dans les bacs avec un double best-of recomposé/remixé/remasterisé qui est une sorte de caverne d'Ali Baba plus qu'une simple suite de tubes. Pour nous parler de cette mine d'or, c'est Franck, leader, grand manitou, big boss et peut-être même Marcel qui a bien voulu répondre à nos questions. Note que la description faite de leur chanteur principal faite juste avant est uniquement là pour le faire chier parce qu'en vrai, c'est pas lui le chef.
Quelle a été la clef dans le retour de Marcel ?
On est en mission. Depuis décembre 2012, le pays avait la gueule de bois et les conséquences étaient désastreuses. Élection de l'employé du mois de chez "comme j'aime" à la tête de l'état, disparition de Flipper le dauphin, nouvel album de U2, projet de reformation du Nadine Morano Circus, les étudiants donnaient plus de crédit à BFM TV qu'à Charlie Hebdo... Nous nous devions de réapparaître pour remontrer le chemin de l'espoir.
Personne n'a vraiment pris la place de MESO pendant 5 ans, comment expliquer qu'aussi peu de groupes "festifs" réussissent ?
Il y a quelques années dans Fluide Glacial, Gotlib avait rédigé un édito ou il pestait contre les commentaires faciles et récurrents à destination des comédies. Il disait ne pas supporter de lire "Ce film n'a pas d'autres prétentions que de faire rire". Il rajoutait ensuite que "la prétention de faire rire était énorme". La mécanique du rire est une mécanique de précision. L'Humour n'a pas bonne presse, c'est populaire donc moins noble. À Angoulême, il n'y a quasiment plus de BD humoristiques primées. À Cannes, on ne prime pas les comédies et en musique c'est la même chose, on emploie le terme festif de façon bien souvent péjorative. Il faudrait questionner les journalistes sur le problème qu'ils ont avec ça.
Nous, on n'en a pas ! Que ce soit vous ou les Ultra Vomit, ça cartonne, c'est parce que les gens ont besoin de paillettes dans leur vie ou ce sont des moments où on oublie tout en mode carnaval ? Et s'il te plaît, apporte des éléments sociologiques étayés à cette réponse sans citer Bourdieu.
Le carnaval est un exutoire. C'est le jour des fous. Le moment où on peut mettre à mal les codes de bonne conduite, rire de l'autorité, de l'institution, des religions. On a besoin de pouvoir sortir du cadre, de se lâcher. On est dans un monde où chacun doit tenir un rôle, afficher l'image de la personne qui contrôle, qui gère... Chez MESO on invite au lâcher prise. On propose d'oublier le regard des autres.
Nous avons chez Marcel tous les codes du carnaval sans en avoir le répertoire. C'est-à-dire que nous n'avons pas au répertoire de chansons paillardes ou à boire.
Pour les paillettes, j'aime bien les looks 70, l'exubérance de ces années-là, le délire Glam rock. Aujourd'hui la plupart des groupes ont le même look que leur banquier.
Vous pourriez faire des concerts pendant des années sans sortir d'album ?
Je ne sais pas. C'est une expérience nouvelle et pour le moment nous n'avons pas donné beaucoup de concerts avec cette formule best of. On a pas encore réfléchi à ça. On a du plaisir à rejouer notre répertoire. Nous avons plus de 150 titres au catalogue avec plein de versions différentes pour quantité de titres. En ce moment, ça nous amuse bien. Je te dirai cela dans un an.
Pourquoi avoir voulu sortir ce gros best of ?
Au départ, l'idée d'un best of est plus une idée de maison de disques. Les fans de MESO ont pour beaucoup d'entre eux les albums. Une compile, ça s'adresse au public périphérique, à ceux qui pourraient potentiellement aimer. Ceux qui se disent : tiens MESO j'en ai pas, une compile c'est l'occasion. Et puis lorsque nous avons commencé à travailler sur ce projet, cela est devenu passionnant. En réunissant les différents masters, en rouvrant les sessions, nous avons redécouvert quantités de versions alternatives avec des refrains ou des couplets différents, des titres que nous avions écartés à l'époque car on ne voyait pas où les mettre dans les albums. Quand nous avons démarré l'aventure MESO nous n'avions pas les moyens de traîner en studio. Le premier album a été fait en 9 jours, mixage compris. Cette fois nous avons pris du temps pour réécouter, et à trois ou quatre exceptions, nous avons remixé tous les titres. Il y a eu plus de 30 jours de studio.
Tous les titres sont plus ou moins retravaillés, vous aviez honte de certains ?
Non, c'est pas ça. Y'a des titres dont on est plus fiers que d'autres c'est certain mais sur une compile tu peux sélectionner ceux que tu préfères. Enfin, que tu préfères au moment où tu travailles sur ce projet. On avait même envie d'en mettre bien davantage.
On a très souvent réarrangé nos titres, c'est un exercice qui nous excite bien.
Comment s'est fait le choix de "on fait une nouvelle version" ?
C'est souvent lié à un curieux alignement de plein de trucs. On arrive en répète, on commence tel ou tel morceau et l'un de nous commence à délirer ou improviser dessus et parfois ça donne un truc super enthousiasmant qu'on a envie de garder.
Du côté des raretés, il reste d'autres pépites ou vous avez tout mis ?
On en a plein les disques durs. Pendant au moins dix ans, nous avons eu notre propre studio. On s'y retrouvait les lundi, mardi, jeudi et vendredi pour composer. Les magnétos étaient tout le temps branchés, on n'avait qu'à appuyer sur REC. Sortir tout cela est une autre paire de manches. Si y'a pas des gens qui nous demandent cela dormira dans des armoires.
Vous êtes amateurs de reprises, mais dans l'autre sens, il en existe ?
On commence tous par reprendre les autres. Si j'adore écrire et faire naître des chansons, j'adore également chanter les textes des autres. Avec la campagne participative, on a proposé 10 ateliers "pose ta voix". On a quelques versions incroyables chantées par des fans ultra talentueux.
Et sinon, vous aimeriez que qui s'y colle ? Et sur quel titre pendant qu'on y est...
Je sais pas ce n'est pas à moi de proposer. Les groupes qui désirent s'y coller ne doivent pas hésiter. Sinon un duo avec Josiane Balasko, j'adorerais ou une version de "Femme mûre" par Catherine Lara me ferait bien marrer pour du vrai.
Chanter "Je sais pas faire autrement" avec Jean-Luc Mélenchon et "Blasphème" avec Caroline Fourest.
L'album sort en partie grâce à une campagne de crowdfunding, vous avez presque atteint les 200%, ça fait plaisir d'avoir une telle confiance de la part du public ?
C'était incroyable, comme quoi quand t'es réglo, l'Humanité est belle.
Comment se sont déroulés les différents événements "récompense" de cette campagne ?
On a fait des rencontres superbes. Y'a eu des moments extrêmement touchants. Le fait d'organiser des événements en petit comité permet d'être plus disponible, d'échanger plus facilement.
Avoir un public aussi fort en flûte, c'est une fierté ?
Il faudrait pouvoir les confisquer juste après le morceau joué ensemble car à un moment, on a quand même envie de leur faire bouffer. C'était super fun. On a envie de faire un flash mob flûte géant au Hellfest.
Dans le même temps, vous débarquez avec MESO chez At(h)ome, c'est parce qu'ils ont bien travaillé avec Lenine Renaud ?
En partie oui, ils ont tenté un truc avec Lénine qui n'est pas un projet facile à défendre et ils nous donnent les moyens de poursuivre. Ils sont tenaces et ils ont les plus beaux locaux de la place. Ensuite, on sait se dire les choses.
L'autoproduction MESO, ce n'était plus possible ?
Le problème n'est pas l'autoproduction, c'est la distribution. C'est la différence entre faire et faire savoir. Aujourd'hui on félicite davantage le contenant que le contenu. J'aime bien faire des chansons, savoir les faire entendre c'est pas mon job.
Vous ne voulez plus considérer "MESO" comme votre profession, c'est pas trop dur de refuser les nombreuses propositions qui doivent arriver ?
Non, car nous n'avons plus envie de passer 200 jours par an sur les routes. Le rythme actuel nous convient bien. On est heureux de se retrouver et cela laisse le temps de vivre plein de trucs à côté.
Ça reste une récréation mais les répétitions, ça demande du temps ou les titres ont tellement été usés que ça ne s'oublie pas ?
Tu savais pas qu'on joue en play back ?
Un nouveau titre a été composé, d'autres sont dans les tiroirs ?
J'écris des trucs mais je sais pas encore ce que nous pourrons en faire.
Est-ce que vous avez eu des surprises ces deux dernières années ?
Comme dans tous les groupes, il y a des désaccords sur plein de trucs plus ou moins importants mais la grande surprise, la chose la plus étonnante, c'est que quand ce groupe foule une scène, il y a la même ferveur, le même enthousiasme.
Au programme des semaines à venir, il y a le Rock'n'Noël à Liévin qui offrira plus de 500 jouets à des enfants puis l'Olympia en février, lequel de ces concerts est le plus important ?
Y'a pas un concert plus important, c'est différent. Tu sais jamais ce qui peut arriver pendant un concert. Des moments magiques peuvent survenir là où tu ne les attendais pas.
Ensuite faut être honnête, pour l'Olympia on va sortir le grand jeu. On ne peut pas avoir chaque fois les mêmes moyens, les mêmes budgets pour construire des spectacles. C'est ce qui rend un concert dans une salle comme l'Olympia unique car on se crée les conditions pour cela.
Vous avez fait l'Olympia en 2003, 2005 et 2007, quels souvenirs vous en gardez ?
La salle est belle, bien chauffée mais contrairement à la maison des jeunes du chemin vert à Boulogne Sur Mer, y'a ni flipper ni baby-foot.
Qu'est-ce qu'on peut souhaiter à Marcel et son Orchestre ?
A. De ne pas choper la gastro.
B. De faire la B.O. des prochains mondiaux de pétanque.
C. De faire un show TV et de pouvoir inviter tous les copains, histoire de montrer qu'on est pas toujours obligé de mettre les mêmes têtes dans le poste.
D. Un autre gouvernement.
Merci Franck et merci à tous les Marcel, merci également au label At(h)ome toujours présent.
Photos : Deborah Priem