La musique a toujours fait voyager, que ce soit émotionnellement, spirituellement ou géographiquement. Alors quand on s'appelle Maine In Havana, on imagine donc qu'on va se taper une virée de quelques milliers de kilomètres sur le continent américain, du nord au sud, du folk trad à la musique cubaine en finissant sur un air de bossa nova ou de tango. En fait non, on n'est pas sur une compilation de world music. Pourtant le voyage sera tout autant dépaysant, plus atmosphérique, calorifique, magnétique. C'est un mélange de rock et de blues qui va nous plonger dans des allées sombres qui ne mènent qu'à des coupes gorges obscurs, des routes rectilignes traversées en solitaire entourée d'une nuit sans étoile, des recoins de caves moites à faire tourner un verre de whisky tout en écoutant un groupe serré sur une scène trop petite éclairée par un lampadaire fatigué. Bref, Maine In Havana excelle dans des ambiances et les langueurs chères à Nick Cave, Tom Waits, Jim Morrisson ou Leonard Cohen, ces voix et ces musiques qui ont la capacité de t'envelopper d'une épaisse brume mélancolique, presque psychédélique, gracieuse et sombre.
Maine In Havana, c'est donc la voix d'Edouardo Lecleres Diaz, un Portoricain qui s'est embarqué avec 4 musiciens montpelliérains : Frédéric Loumagne (basse, contrebasse), Vincent Thoyer (batterie) Boris Blancas (guitare) et Yanis Blancas (claviers) pour sortir leur premier album éponyme. Si l'entrée en matière folk avec "Cimarron" te cueille délicatement avec une guitare sobre, un orgue discret, et une section basse batterie qui s'efface pour laisser Edouardo remplir l'espace ; "Barren lands" lâche un rock plus nerveux démontrant que Maine In Havana peut aussi électriser l'espace. On pourra aussi se laisser envoûter par cette ligne de basse entêtante où l'orgue se promène en dilettante, et la voix d'Edourardo entre chant et récit sur le psychédélique "Preus" ; on étirera l'espace-temps avec le langoureux "Early dawn" ; un peu de swing avec "Fun fun fun" ; un peu de rage avec "The hunt" ; un bon gros blues avec "Rose". Bref, le voyage étant intense et somptueux, plaise à toi d'être nomade.
Publié dans le Mag #44