Je vais tout de suite aller à l'essentiel : Orange flottant, premier LP des Lunatiques, succédant à une flopée d'EPs, est un grand disque. Pas au sens propre du terme, même si le groupe québécois m'a fait passer un vinyle en guise d'exemplaire promo (et donc de plus grande taille qu'un CD). Non non, je parle vraiment du contenu. L'univers décalé et imprévisible du quintet a rendu ma première écoute vraiment excitante, et les suivantes ont été une succession de moments incroyables. Ouais, carrément.
Il faut dire que Les Lunatiques explorent, majoritairement dans la langue de Robert Charlebois, divers univers tellement aux antipodes que chaque interaction fait mouche. Passer de la musique pop 60's ("Marie dans le coma") aux riffs à la Black Sabbath ("Popcorn psychédélique") en revisitant le bluegrass ("These boots aren't made for playing drums") et le disco funk ("Faire danser les morts" que n'aurait pas renié Prince) et le post punk, c'est déjà compliqué à imaginer. Alors exécuter (à la perfection soit dit en passant) ces différents styles au sein d'un même disque, je dis carrément bravo. Ça part dans tous les sens (et donc dans tous les styles) avec une aisance presque insolente mais ça fait mouche à chaque fois. Les touches lo fi/psyché et les compositions entraînantes et abouties rendent ce disque aussi planant que jubilatoire. Et si Les Lunatiques étaient les Beatles, Orange flottant serait leur Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band. Bah oui, qu'est-ce que tu crois ? Il n'y a qu'à écouter l'intro de "Nous sommes de la drogue" pour s'y croire un petit peu.
J'ai naturellement une préférence pour les morceaux plus pêchus (le garage punk "Kick of Laurie Foster", "Popcorn psychédélique" avec une séance de tapping !) et les chansons à guitares en général ("Oh no", "Le démon") mais j'ai pris un véritable plaisir à taper du pied (et à chanter à tue-tête !) sur les titres disco/rétro/rigolo ("Toujours les mêmes faces", le Depeche Modien "Cyber séduction"). Un peu de folie dans un monde déjà bien déglingo ne peut pas faire de mal, n'est-ce pas ?
Publié dans le Mag #58