Lunatic Age : August Cet album n'a strictement rien à voir avec les 3 précédents, que ce soit sur le fond ou sur la forme. Et ça tombe bien, je n'avais pas envie de passer en revue les différents symptômes et autres déconvenues, ayant marqué la trajectoire du combo Montpelliérain depuis ses débuts. Dix ans déjà, au moins, qu'ils sont sortis de l'ombre, et qu'ils se fraient un passage, un sillon, minuscule mais bel et bien vivant, en plein cœur du rock français, aussi hermétique, surfait, alternatif, et indépendant soit-il. Il n'y a que le travail, le talent et la passion qui paient dans ce bas-monde. Et l'acharnement, phalange après phalange, même si la route est longue. Risquer le tout pour le tout, serrer les dents, une dernière fois, quitte à se brûler les ailes. Et c'est exactement ça. Ils ont retenu la leçon, les bougres, et ne font plus semblant. D'aucuns parlent de "l'album de la maturité". Oui certes, à partir du moment où l'on n'a toujours pas réussi à inverser le cours du temps, forcément, l'argument est facile et tombe sous le sens. Donc, on jette. Direct au fond des chiottes. Pas la peine de gueuler, j'ai déjà tiré la chasse.
Bref. Avec August, c'est comme s'il fallait remettre tous les compteurs à zéro, faire table rase du passé, et enclencher la vitesse supérieure. C'est une histoire qu'ils nous racontent, une chape de plomb qui nous tombe sur le coin de la gueule, un monde défiguré, croulant sous le poids de nos erreurs, qui s'ouvre sous nos pas, un tsunami d'émotions élastiques, chaotiques, fidèles et tragiques, irradiant de nos tripes, celles que l'on se taille au couteau pour se rappeler qu'on est toujours aussi seuls, et que la souffrance se déguste en silence. Une traînée de poudre, noire, légère, toxique, qui n'attendait que ça pour enfin embraser les foules, le ciel et la terre, sous l'orage. Et renaître de ses cendres, encore plus forts, conscients de la précarité de l'existence et de cette mascarade dans laquelle on se vautre tous allègrement, délicieusement cyniques, froids, délicatement sombres. Terriblement vivants. Ça saigne et ça fait mal. Ça brûle, ça palpite et ça trépigne d'impatience au creux des veines. Libérez enfin la bête, le manque, infernal, les larmes, les coups, les passions, destructrices. L'air que l'on respire est désormais chargé d'absences, lourdes, celles de nos fantômes qui nous hantent de jour comme de nuit, malades, mais aussi de nos désirs les plus fous, enfantés dans le doute et la peur, bercés pas nos angoisses ancestrales, et nos épaves, violentes, qui s'échouent dans les flaques de l'oubli. Tout ça pour rien. Si ce n'est se sentir vivants. Marche ou crève ma douleur, ce soir l'horizon nous appartient.
Mention spéciale pour "Tout pour rien", "Sous l'orage", et "August" qui sont d'une beauté, et d'une intensité particulièrement rares. Mais tous les titres sont animés de cet état d'urgence, cette folie, retenue, ce martèlement des sens, et la frappe chirurgicale de Guillaume Dupré à la batterie n'y est pas étrangère. A noter le retour du piano sur quelques titres, et surtout l'enregistrement de l'album dans d'excellentes conditions, faisant d'August une véritable pièce d'orfèvre, terriblement efficace : des titres d'une belle facture, taillés pour la scène, satisfaction guaranted à 200 % : ça tire des balles à bout portant, ça irradie d'une énergie insoupçonnée, ça calme, ça uppercut en plein cœur, ça surprend, ça laisse des putains de traces, ça fait du bien, et c'est tout ce qui compte. Merci les garçons.
Et vivement l'orage.