"A-coudé à la fenêtre, j'écrase mon mégot...". Je défie quiconque d'écouter 2-3 fois le nouvel album des Lullies et de ne pas avoir les premières secondes de "Dernier soir" qui t'obsèdent et ne te sortent plus de la tête. Ce qu'on appelle communément un bon gros TUBE ! Mais commençons par faire plus ample connaissance. Ces quatre garçons dans le mistral (alliance improbable de Gardois et d'Héraultais, comme quoi...) ont mis tout le monde d'accord, tout du moins dans la scène garage/punk/r'n'r, avec leur premier LP en 2018. 10 titres secs et nerveux enregistrés à Toulouse par Lo Spider, à la production très brute mais qui ne rendait pas forcément assez hommage à l'énergie folle déployée en live. Cinq ans et une pandémie plus tard, tout le monde se retrouve cette fois sur le cul avec Mauvaise foi, bousculant tous les codes du genre.
La prod' n'est plus étouffée mais maousse, bénéficiant du luxe quatre étoiles du Château Vergogne et de son châtelain Maxime Smadja (Youth Avoiders, Rixe, Boss). Le tempo a légèrement ralenti mais n'ayez crainte, ça bourre toujours autant et tourne en 45 tours. Mais le fait le plus notable est bien sûr le passage du chant de l'anglais au français. On ne l'avait pas vu venir celui-là, même s'il est vrai qu'ils l'avaient déjà expérimenté auparavant avec "Mourir d'ennui". Ça leur avait plutôt bien réussi d'ailleurs, même s'il était noyé dans un déluge de guitares et ne se démarquait pas tant que ça dans l'album. Là, davantage mis en avant, qu'en est-il à la première écoute, est-ce que cela choque ? Nullement. Je serais de bien "Mauvaise foi" en disant que oui. Cela interpelle certes un peu au début et puis on n'y prête plus attention, ça coule de source, naturellement, et c'est plutôt bon signe. Alors que le pari était assez osé, casse-gueule même, mais à l'image de son imposant bassiste, le groupe reste bien en place, solidement ancré dans ses deux Converses.
Le côté un peu teigneux, sale gosse est toujours présent, on ne se refait pas ("oui non je m'en fous, te contredire, c'est mon plaisir") mais ils savent aussi se faire plus sensibles, comme dans "Pas de regrets" avec son solo magnifique. Et c'est là qu'on se rend compte, dès le deuxième morceau, que Les Lullies ne se contentent plus d'aligner les riffs à la one-two-three-four (même s'ils réfutent quelque peu l'influence prédominante des Ramones). Non, ils alignent désormais de vraies chansons, qui même avec "Zéro ambition" (à d'autres !) deviennent de véritables tubes.
Ce virage à 666 degrés a donc été négocié haut la main sur disque, qui devrait à juste titre finir dans des tops de fin d'année (il sera pour sûr dans le mien) et promet à nos animaux sauvages des concerts plus qu'endiablés (ce qu'ils savent faire de mieux), de salle en salle et des tournées de "Station service" en station service. Je les ai vus à Paloma (la SMAC rock de Nîmes) fin mai, je confirme en toute bonne foi.
Publié dans le Mag #56