Il y a de quoi avoir honte. Honte tout d'abord de mettre plusieurs semaines avant de faire écho à ce fabuleux bouquin alors qu'il m'est parvenu juste avant sa sortie, soit début novembre. Et honte d'en parler alors que je ne l'ai qu'à peine entamé ! Bref, Nyark nyark ! s'impose comment un livre majeur retraçant des "Fragments des scènes punk et rock alternatif en France - 1976-1989" comme l'indique son sous-titre. Edité par Zone et FZM, servi dans un généreux format 33 tours et composé de plus de 250 pages en noir & blanc (mise en page et ligne graphique attrayantes), l'ouvrage présente dans l'ordre chronologique l'avènement d'un nouveau genre (pour l'époque) dans l'hexagone : le punk, et traite aussi de l'apparition des formations de rock alternatif, indépendant dont certains lorgnaient vers le ska. Sans pour avoir comme but l'exhaustivité (chose impossible à réaliser par ailleurs...), le livre, articulé autour d'interviews récoltées par Arno Rudeboy (ça sent le bon le pseudo !) d'une sacrée panoplie d'activistes¸ retrace une quinzaine d'année de bruit, de bière, de provocations, de squat, d'avant-garde, de végétarisme, de bastons, de fringues loufoques, de gratuité et parfois de musique ; depuis les va-et-vient (en 1976) entre Paris et Londres de Métal Urbain à 1989, année de la dissolution de Bérurier Noir.
Grâce aux témoignages récents (la plupart des entretiens datent de 2006 et certains ont à peine quelques mois) des interlocuteurs, on se replonge dans l'ambiance d'une époque où les groupes se montaient dans des conditions plus que précaires : "musiciens" n'ayant jamais approché un instrument de près, matériel utilisé de (très) mauvaise facture, aucune structure permettant d'évoluer sereinement : débrouille totale, improvisation et galères ont émaillé le destin de bon nombre de ces formations. Nyark nyark ! relate l'éclosion du punk et rappelle sa première intention, qui consistait en gros à dire : "Elvis est mort, le rock à papa est mort, à nous de prendre la relève !". Et très rapidement, aux contestations et revendications de prendre forme et de coller aux acteurs. Je ne vais pas vous re-raconter l'Histoire (chose si bien faite dans le livre) mais soulignerai les points forts de Nyark nyark ! : l'évolution chronologique et le séquençage en quatre périodes (1976-1979, 1980-1982, 1983-1985 et 1986-1989), les rappels sur le contexte musical mais aussi social et politique, l'abondance des illustrations (photos, tracts, affiches, dessins, etc...) ou encore l'attachement à ne pas se focaliser uniquement sur la musique : on aborde le(s) mouvement(s) dans son/leur ensemble, les assos, studios, labels sont bien sûr évoqués (Studios WW, l'asso Rock à l'Usine, Bondage Records, etc...) mais aussi l'approche philosophique (nihilisme pour certains) et politique (situationnisme, anarchisme, etc...) du mouvement.
Très complet et d'une richesse incroyable, ce livre est ponctué de textes de groupes, fourmille d'anecdotes croustillantes (premiers concerts tournant à la baston, vols de matos pour monter son groupe, évolution des line-up, ...), propose des "goodies" en fin d'ouvrage (la chronologie et la carte de France illustrées, les planches de photos et logos) et est accompagné d'un CD, bande-son de plus d'une heure de punk, de rock et de ska, illustrant de façon sonore le propos du livre (17 titres et autant de groupes à (re)découvrir, dont 4 en version live).
Les plus jeunes d'entre vous, peut-être bercés par Brigada Flores Magon, Guerilla Poubelle ou Los Tres Puntos, n'ont pas connu cette époque et certains ignorent même que des Lucrate Milk, Haine Brigade, Kochise, Les Olivensteins ou Los Carayos aient pu exister aux coté des plus célèbres Mano Negra, Parabellum, Bérurier Noir, Thugs ou Ludwig Von 88. Et ceux qui auraient fait partie de cette épopée et souffriraient de trous de mémoire, Nyark nyark ! est un excellent moyen de les combler !
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