Le 14 octobre 2002 sortait le premier album d'un groupe anglais totalement perturbé et à la carrière éphémère (NDLR : qui a entre-temps reprise en 2015 avec l'anecdotique et très décevant Anthems for doomed youth) : The Libertines. Cela aurait pu être leur dernier d'ailleurs, tant la communication et les relations entre les deux guitaristes-chanteurs, Pete Doherty et son acolyte Carl Barât, sont devenues assez vite exécrables, surtout après la naissance de ce disque (pour tous les potins, merci de vous diriger vers la page Wikipedia du groupe). Ce dernier, produit par l'ex-Clash Mick Jones, s'intitule Up the bracket et a porté cette formation, au début des années 2000, au rang de véritables stars du rock aux côtés des Strokes, avec qui ils partageront quelques scènes, soit dit en passant. À l'époque, leur succès tient à plusieurs facteurs corrélés : d'abord leur âme de dandy punk anglais je-m'en-foutiste et "no future", qui plaît énormément à un public en manque de figures rebelles depuis la désuétude de la britpop, ensuite, la combinaison parfaite entre l'urgence et la mélodicité anglaise de leur musique, et enfin, l'aide précieuse de Mick Jones mais surtout d'un label très important dans le monde du rock, en l'occurrence Rough Trade, qui a pris en main leur carrière un an avant l'apparition du premier disque alors que la formation n'était pas encore totalement complète.
Le 14 octobre 2022, Up the bracket fête ses 20 ans. Leur label d'antan a donc décidé à cette occasion très spéciale de remasteriser ses 10 titres en les accompagnant d'un bonus CD supplémentaire comportant l'enregistrement d'un live au 100 Club à Londres daté du 4 octobre 2002, soit une grosse semaine avant la sortie de ce premier album. Il paraît qu'une version coffret existe avec des démos inédites, des chutes de studios, divers titres issus de concerts, un livre de Matt Wilkinson et de nouvelles interviews du groupe... Pour tout vous dire, je n'ai jamais attendu ses 20 ans pour me le remettre dans les écoutilles, par nostalgie évidemment, et je dois bien avouer que l'effet qu'il me procure n'a pas bougé d'un iota. Remasterisé ou non (je n'ai pas vu beaucoup de différences entre les deux d'ailleurs), ce classique rock des années 2000 est toujours aussi salement bon, rien n'est à jeter dessus, et la prod' brute n'a pas vieilli pour un sou. Cette première production est habitée de pépites jouissives qui sont loin d'être de l'eau de rose ("Vertigo", "Horrowshow", "Up the bracket", "I get along") et même quand les Anglais lèvent le pied, il y reste toujours un peu de crasse ("Radio America"). En somme, un chef d'œuvre, ou "must have" diront certains. Ce qui n'est pas du tout le cas du CD bonus contenant le live des Libertines au 100 Club qui est d'une qualité plus que discutable car enregistré avec les moyens du bord. Je ne sais pas si mettre un bootleg pour fêter les 20 ans d'un bon disque est une insulte aux fans ou pas, mais cela n'a pas grand intérêt selon moi. Contrairement à l'édition coffret collector à 123 euros (prix FNAC) qui vaut bien les 20 ans du seul album intéressant de The Libertines.
Publié dans le Mag #55