Brel, Ferrat, Sardou, Nougaro, ils sont quelques-uns à avoir rendu hommage à la peinture ou aux peintres (Picasso, Matisse, Gauguin ou Van Gogh notamment) mais à ma connaissance, il n'y avait pas encore d'album "concept" autour de cet art. Lénine Renaud comble ce vide avec un opus conceptuel puisqu'il ne traite que du troisième art. L'idée a été poussée assez loin puisqu'au-delà de la galerie de personnages (que forme le groupe sur la pochette), le CD est une palette, le dos de l'artwork est un dos de tableau et dans le premier clip livré, on se retrouve au musée à faire vivre une œuvre de Rembrandt.
La visite commence par un rappel historique, les premiers peintres ont laissé leurs traces sur des murs, là où tu engueules tes gamins, 40 000 années après, on visite encore leurs grottes. "Rupestre" est décalé, humoristique, enjoué et remet en perspective les "artistes pédants" et nos "aïeux grognons". Sans enchaînement, on fait "La ronde de nuit" avec une description de la création de l'œuvre et les différents niveaux de lecture qu'il nous faut avoir pour comprendre l'œuvre dans son ensemble et ne pas rester à sa surface. Un petit côté cours d'histoire de l'art et d'histoire sociale qu'on retrouve sur d'autres morceaux comme "Le radeau de la Méduse" mais qui se fait sans se prendre au sérieux avec un peu de musette et de guitare. L'autre façon d'aborder les œuvres choisies par Lénine Renaud est la mise en scène des personnages comme "La femme à l'ombrelle" de Monet (dont ils rappellent la passion pour les chemins de fer et la Grenouillère) ou "La femme au chapeau jaune" de Hopper (Une femme en détresse ? Une prostituée ? Une fille facile ?). La musique se fait discrète (même si le son très américain de la guitare est remarquable pour l'amateur des oiseaux de nuit), on est plus attentif aux textes et à ces petites histoires que l'on peut se raconter pour donner vie à l'œuvre. Au-delà des œuvres, ce sont des artistes dans leur globalité qui nous sont également dépeints, on découvre "Gaston Chaissac" ou "Léonor Fini" par de jolis textes et si on a un peu d'entrain et de folie pour Gaston, c'est "Toulouse-Lautrec" qui attire toute la lumière dans cette catégorie. Parfaitement rythmé, assez dépouillé, le titre a tout pour devenir un "hit" car il ne te faudra pas longtemps pour chantonner le refrain et la fin des couplets...
Je te laisse découvrir Le petit musée dans sa globalité sans tout dévoiler, le vernissage vient d'avoir lieu, tu y trouveras d'autres illustres amateurs de détails (Courbet, Goya), des parallèles avec l'actualité, un gros clin d'œil à leurs attaches nordistes (et au tableau de Cogghe plus qu'à celui de Manessier), une petite chatte et des chauve-souris cornues. Le mélange des voix comme des instruments ainsi que la qualité des textes font que Lénine Renaud nous donne envie de filer musarder dans les musées et d'inventer d'autres histoires pour expliquer pourquoi ce cri, quel est ce jeu de carte ou d'où provient cet énigmatique sourire.
Publié dans le Mag #53