Lenine Renaud - La gueule de l'emploi Conservant leur style, les Lenine Renaud semblent un peu moins portés sur la rigolade en cette année 2018. En phase avec la société, ce sont plutôt les difficultés et les accrocs qui nous sont contés, même le "déconneur" a des vagues à l'âme et "Ma copine narcoleptique" ne peut s'empêcher de se terminer par un tacle sur nos députés. L'équipe n'a pourtant presque pas changé, pas de crise de ce côté-là, il y a même eu un recrutement puisque après avoir travaillé pour Alain Chamfort ou Graeme Allwright, Sonia Rekis a pris possession de l'accordéon des Lillois, c'est donc bien le climat social qui a porté le groupe vers des textes et des ambiances qui flirtent entre nostalgie et mélancolie ("Louloute", "Woodstock").

Le décalage reste une de leurs armes favorites pour dérider et oublier ce qui nous entoure, nous plongeant pourquoi pas un siècle plus tôt avec les images du livret ornées de smileys jaunes pour casser l'esprit, dommage car certains collages (ceux de "Les limaces" ou "Libre" par exemple) méritaient mieux que ce photoshopage rapide (comme l'immonde double effet négatif / miroir au dos de l'opus, des graphistes ont connu le goulag pour moins que ça). Des décalages mais aussi des tranches de vie comme celle de la voisine d'en face, celle du gars qui va chercher du "Concentré de tomates" ou du petit "Émile" (putain, celle-là on dirait du Cabrel !), dans ces cas-là, on écoute, on suit les histoires de ces héros de l'ordinaire, on s'attache et on arrive même à être déçu pour eux lors du sappy end ("Marre").

Plus grave que ses prédécesseurs, La gueule de l'emploi n'est pas l'album le plus facile d'accès pour pénétrer le monde de Lenine Renaud, surtout pour celui qui déboule en pensant trouver une alternative à Marcel Et Son Orchestre... D'ailleurs peut-être que le retour de ces derniers (au moins sur scène) a capté un peu trop de bonne humeur ou alors, c'est simplement que le groupe est ancré dans la vie réelle et que celle-ci n'est pas toujours réjouissante. Enfin, tout ça, c'est juste mon petit doigt qui me l'a dit, à peine aidé par mon oreille droite...