Quand on rédige des articles ou qu'on donne son avis, faut faire gaffe aux biais cognitifs, on se fait vite une idée et il est parfois difficile de s'en dépatouiller, alors quand c'est juste quelques lignes sur un album, c'est moins grave que sur une épidémie, un vaccin, la réforme des retraites, et tous les sujets qu'on évite lors des réveillons, mais quand même. Parmi ces redoutables biais, il y a le biais de raisonnement ou celui de confirmation, je vais chercher à prouver ce que je crois être la vérité en amplifiant ces éléments et en en minorant d'autres.
Ici, mon premier contact avec le nouvel album de Laura Cox, ce fut la découverte de la photo de la pochette, du rouge et une Laura posée, la guitare en bandoulière mais l'image est aussi figée que notre rockeuse. Alors que l'album précédent, Burning bright, évoquait le feu, l'énergie avec une guitare héroïne en action, cheveux dans le vent et inondant de lumière un monde gris, on se retrouve avec une ambiance tamisée, chaude certes mais très "calme", la tête hors de l'eau, tranquille, les yeux qui regardent au loin plutôt qu'en direction de sa 6 cordes. Je vais donc écouter Head above water avec cette idée en tête, il sera moins fougueux, moins énergique mais plus cosy que son prédécesseur. Peut-être est-ce la réalité mais peut-être pas, mes écrits, c'est mon ressenti, ma perception, et elle est forcément biaisée. Il y a bien quelques titres très rock ("One big mess", "Fever") et un ultra groovy ("Swing it out") mais sur cet opus, Laura Cox fait surtout la part belle aux racines du rock, celles qui sont prises dans le Sud des États-Unis, d'ailleurs le titre "Head above water" qui donne son nom à la galette est un bel exemple de tout ce qu'elle aime : une basse chaude et ronde, une guitare tout en retenue et un refrain assez punchy mais sans excès. On croise des influences country/folk ("Before we get burned", "Glassy day") et blues ("Wiser") et le tempo se ralentit même encore un peu plus pour "Old soul" ou "Seaside" que l'on imagine plus aisément entendre autour d'un feu de camp que sur la mainstage du Hellfest. Si la guitare accompagne sagement la plupart des compositions, elle prend la lumière de temps à autre ("Set me free", "So long") électrisant ainsi l'auditeur comme l'atmosphère.
Head above water est un album très chaleureux, assez posé, plus tranquille que son grand frère... Je le savais, la pochette l'annonçait ! Enfin, l'idée que je m'en faisais... Et donc j'ai cherché à confirmer ma première impression parce que je ne suis, bien sûr, pas du genre à me planter et à remettre en cause, voilà le biais cognitif en action. Et toi qui n'a pas encore écouté l'opus mais qui vient de finir ses lignes, tu es piégé, tu vas l'écouter en te disant que tu connais déjà la tonalité du disque et tu y retrouveras ce que je t'ai dit d'y retrouver. À moins que tu n'aies l'esprit de contradiction mais c'est une autre affaire.
Publié dans le Mag #54