J'ai un gros problème avec les disques que j'aime beaucoup des groupes que j'aime beaucoup. Outre le fait que mon épouse en ait parfois ras le bol de les entendre (car j'écoute beaucoup les disques que j'aime beaucoup), le problème intervient quand le groupe, auteur du disque que j'aime beaucoup, sort un nouvel album. Car j'ai toujours peur de ne pas l'aimer autant que celui que j'aime beaucoup. Tu me suis ? J'ai vécu l'expérience avec le premier album de Not Scientists qui donnait suite au premier excellent EP du groupe. Du coup, je retarde un peu l'échéance de l'écoute. Et c'est débile, car les groupes que j'aime beaucoup sortent toujours, après un disque que j'aime beaucoup, un nouveau disque que j'aime aussi beaucoup. Voire plus !
Tout ça pour dire que Pictures of a century le deuxième album de LANE, je l'aime beaucoup. Et encore plus à chaque écoute. Ce qui ne va pas arranger les affaires de ma femme. Le successeur de A shiny day (sorti il y a à peine un an) est brut, radical, rageur, prenant, nerveux, incandescent et loin d'être condescendant. Délicat et émouvant aussi (et surtout). Une pièce déjà majeure dans la courte carrière d'un groupe qu'on osait à peine espérer, il y a deux ans, voir s'engager dans la longévité. L'équipe est toujours la même (pourquoi changer une équipe qui gagne ? ), seul le label change (passe de Nineteen Something à Vicious Circle, bref, d'un label passionné et passionnant à un label passionnant et passionné). Mis en boîte en dix jours seulement chez Michel Toledo (Lysistrata), Pictures of a century surpasse son prédécesseur qui avait pourtant mis la barre très haut. Car on croyait déjà tout savoir sur LANE en l'espace d'un EP et d'un album. Que nenni, les gars ! Le premier brûlot de cet album, en un peu de moins de quatre minutes, remet immédiatement les compteurs à zéro. "Discovery none", c'est son nom, à l'intro noise et abrasive et rebondissant sur un couplet atmosphérique et un refrain déjà inoubliable, n'est pas excellent. Il est indispensable. Le groupe enfonce le clou avec un "Voices" aux mélodies imparables, et "So many loves", qui me file la chair de poule (et la larme à l'œil) à chaque écoute, est aussi lumineux que déflagrateur. Le mur du son est à son apogée avec "Homicide", le punk "Black gloves" énervé à souhait et le survitaminé "Lollipop and candy cane ". Mais LANE est encore plus irrésistible quand il ralentit le tempo pour des ambiances feutrées et noisy ("Electric thrills", "Life is a sentence", "It's only love") et quand il triture les sons au beau milieu de sensations pop noise (ouah, "Family life", ouhouh "Last generation", ohhhh "Pictures of a century"). Treize titres d'une insolente efficacité, treize titres déjà indispensables dans une alchimie redoutable : les guitares mélodiques et puissantes croisent le fer avec un basse/batterie solide et des voix. inimitables (ceux qui savent savent).
Je suis condamné à (ab)user (de) ce disque. Un disque, je me répète, d'une qualité indéniable. Comme pour A shiny day, Pictures of a century va hanter ma chaîne hi-fi un bon moment. LANE, groupe intergénérationnel, est une des plus belles choses qui soient arrivées au rock made in France. Et je suis fier de pouvoir t'en parler. Merci Messieurs. Oui, merci beaucoup pour ce que vous (nous) faites.
Publié dans le Mag #43