La Phaze - Invisible(s) Si à la fin de l'année 2012 La Phaze se sépare, c'est parce qu'ils n'avaient plus grand-chose à dire, ils ont travaillé sur d'autres projets (Undergang, Pungle Lions...), laissé passer cinq années et décidé que le monde devait encore se faire remuer. Quelques titres (en clips), quelques dates, un EP numérique et après une attente qui joue les prolongations, un nouvel album intitulé Visible(s) remet sur le devant de la scène Damny et Arnaud désormais accompagnés de Louis. Ok, pour la scène, on va devoir patienter encore un peu mais rien ne nous empêche de pousser un peu les basses et les meubles et de réfléchir en dansant avec eux.

Parce que La Phaze revient en pleine forme avec des titres qui ressemblent à l'image qu'on a gardé d'eux, pas question ici d'évoquer des évolutions depuis le dernier opus mais bien d'une nouvelle base pour de nouvelles aventures. Et la base chez La Phaze, c'est d'abord le mélange : du punk, de la jungle, du dub, du rock, des mélodies chaloupées et de l'électro binaire, toutes les influences sont conviées et si certains titres sont plus marqués que d'autres ("Tabasse" fait dans le punk-industriel, "One way" ou "Highly blessed" piochent des idées dub ou ragga en Jamaïque, "Cogne" est presque métal avec le renfort de Niko des Tagada Jones...), c'est bien la fusion des genres ancrée dans l'ADN des Angevins qui est le dénominateur commun à la galette. Dans la tonalité globale, on n'est pas loin de Fin de cycle, jugé par beaucoup (avant la sortie de celui-ci) comme leur meilleur album. La base chez La Phaze, c'est aussi des textes qui ont du sens et font écho à l'actualité, touchent de grands sujets de société ("Comme David Buckel" en hommage à l'activiste américain qui s'est immolé, "Visible" au machisme vulgaire de la rue...) ou abordent des points plus précis (la prison sur "Haute sécurité", la génération selfie sur "Sourire au teint de glace") le français domine largement même si on trouve un peu d'anglais (sur "Liberticide" en compagnie de Lasai qui a dû être écrit au moment des manifestations de gilets jaunes) et d'espagnol. Un melting-pot d'influences, des textes ciselés et surtout un dynamisme communicatif, un sens du rythme et du groove qui font que l'ensemble provoque autant de gestes incontrôlés qui nous désarticulent qu'une réflexion sur un monde qui ne va pas franchement mieux (on ne parle pas des incendies de forêt en Californie ou en Australie mais l'artwork place un petit tacle à ceux qui préfèrent les ignorer et certainement les entretenir). Parce que La Phaze, c'est un paquet de tubes ("Assaut final", "Le chant des bombes", "Little face", "Peine de vie", "A table", "The battle"...), il y a bien sûr quelques nouveaux titres qui seront bientôt des classiques comme "Avoir 20 ans" et "Sourire au teint de glace" même si d'autres peuvent prétendre à cette distinction ("Comme David Buckel", "Visible", "Tabasse"...).

Au milieu du flot continu d'albums qui s'enchaînent, il faut choisir de s'arrêter sur Visible(s) car les cerveaux de La Phaze se sont remis à gamberger, à créer et il n'est pas question de passer à côté car on a plus que jamais besoin d'entendre ce discours mais aussi de décompresser en passant un bon moment avec eux.