Au moment d'attaquer la rédaction de cette chronique du dernier album des Polonais de Kurws, j'apprends dans la foulée par un communiqué sur leur site officiel qu'ils se séparent cette année... J'ai comme le sentiment d'être presque arrivé à la fin d'une bataille, habillé du T-Shirt turquoise du groupe qu'un ami m'a offert il y a 4-5 ans après un show à Paris. L'air con intégral ! Depuis 2008, le trio (qui fut quartet ou quintet selon les évènements et périodes) a délivré 346 concerts, quatre albums, un split avec Agathocles, plusieurs sides-projects, une participation à un documentaire et tout plein de trucs qui rendraient jaloux pas mal de musiciens qui galèrent pour faire connaitre leur art. Encore faut-il connaitre Kurws, car dans le genre "groupe DIY", on peut difficilement faire mieux.
Ce quatrième album, Powięź / Fascia, me ramène directement, en grande partie, à la période punk-no wave New-Yorkaise, celle où l'improvisation se mêle aux compositions, et ce ne sont pas les 15 minutes du titre éponyme qui viendront me contredire. Les gars de Wroclaw n'en ont cure des conventions et préfèrent jouer sur les nerfs avec leur musique frontale et alambiquée. Aucune signalétique n'est dispo pour contempler leurs œuvres de leur musée sonore, on est à peine guidé par des mouvements en constant changements dans lequel la distorsion n'existe même pas. Anxiogène, cet album a tout fait pour l'être, on se sent juste passif et spectateur dans ce voyage trépidant et extravagant qui cultive à la fois l'art de la répétition, de la progression, du contraste, de la superposition et des fulgurances. C'est souvent beau à entendre (encore mieux à voir), mais au prix de plusieurs écoutes. Car si votre oreille n'est pas formée à ce genre d'art sonore, fuyez ! Sinon, prenez le temps de vous immerger sans reculer, en débutant par exemple par des classiques du genre free-rock un peu plus "soft" comme James Chance & The Contortions puis Yowie et progressivement, ça peut valoir le coup de se mettre sur cet aventureux Powięź / Fascia. Je vous jure.
Publié dans le Mag #56