"Morts aux bourgeois et à ceux qui s'opposent à la liberté des travailleurs", scandaient les marins révoltés de Kronstadt il y a plus de cent ans. À l'ouest, ou plutôt Quai de l'Ouest, rien de nouveau.
Kronstadt fait partie de toute cette nouvelle vague de très bons groupes de punk qui existent depuis 6-7 ans, flirtent avec la oi!, le post-punk, des sonorités plus cold, chantent en français et laissent transparaître une certaine mélancolie, pour un résultat très loin des clichés keupon bas du front. Ils viennent pas mal de Brest (Syndrome 81, Litovsk, avec un nom pareil, tu m'étonnes), de Lille (Chiaroscuro, Utopie, Kronstadt, donc) ou encore plus au sud, de Lyon comme mes chouchous de Zone Infinie. Chronique de leur dernier EP à venir dans le prochain Mag. Mais revenons à nos marins. J'avais jeté une oreille sur leurs précédents méfaits sans être pleinement convaincu, c'est donc par simple curiosité, sans attente particulière que j'ai embarqué à quai et lancé l'écoute bandcamp de leur deuxième album. Et là, tout de suite, très agréable surprise, les titres font mouche les uns après les autres. Je ne pensais pas être bluffé à ce point mais de "Triste chant" à "Épiderme", rien n'est à jeter.
Quai de l'Ouest a été composé dans le monde d'avant et celui d'après (qui y ressemble malheureusement un peu trop, voire même en pire) donc l'ambiance générale n'est pas trop à la gaudriole. "Nihilisme, sort de ce corps !", "Une défaite réciproque dans un ennui banal", "Il est des jours sans lumière", "Comme un cauchemar mais en plus vrai", "Tu veux chanter des hymnes rock et partager tes idées noires"... voilà quelques exemples de comment débutent leurs morceaux. J'espère qu'ils ont un bon psy ou peut-être que la musique est un moyen cathartique pour eux d'évacuer tout cela. Mais il serait inexact et incomplet de les réduire à cette morosité face à l'avenir (et au présent). Divers sentiments nous animent, transpercent à l'écoute des 12 titres de cet album. La révolte, la fraternité en sont d'autres, ainsi que la sensation d'être en présence d'une des révélations de l'année. Chopé en LP au retour de l'été, c'est un des disques qui a le plus tourné sur ma platine en 2021 et je lui prédis le même avenir en 2022. Comment pourrait-il en être autrement avec des chansons comme "Triste chant", "Fleurs de sang" (et son intro à la Pixies), "Commune", "Les rats, les cafards" ou "Hors-sol", pour ne citer qu'elles ? Il y a à chaque fois un petit gimmick efficace à la gratte, une ligne de basse cool, un pont bien trouvé, qui apportent plus de complexité aux morceaux qu'un basique trois accords. Je vais pas en rajouter des caisses, embarquement immédiat, montez avec moi vous ne le regretterez pas. Et si jamais vous voulez creuser davantage, j'ai fait une playlist du genre pour le site J'écoute Sardou dans le noir.
Publié dans le Mag #49