«Salut Ted, King Buzzo & Trevor Dunn font un tour à Paris pour promouvoir la réédition des deux albums solos de Buzz, This machine kills artists et Gift of sacrifice. T'avais prévu d'aller les voir ou pas ?». Je ne m'attendais pas du tout à cette sympathique demande de la part de l'attachée de presse anglaise du frontman des Melvins. D'autant plus que je suis à la ramasse sur ce qu'il faisait en solo et n'étant pas un grand fan, il faut l'avouer, du groupe de l'État de Washington aux États-Unis. Curieux que je suis, je me suis laissé tenté, et j'ai embarqué JC dans cette aventure assez spéciale : un concert unplugged plein d'énergie.
Quoi de mieux que La Maroquinerie pour accueillir un show quasi intimiste dans l'esprit ? Ce soir, ce sont deux sommités du rock underground américain qui nous feront face, deux copains qui s'accordent comme larrons en foire puisqu'ils ont joué ensemble avec Mike Patton et Dave Lombardo dans Fantômas, puis dans les Melvins (à l'époque de Freak pure). Pour l'occasion, ils ont embarqué dans cette tournée, et pour nous faire patienter, un "one man band" de Bristol nommé Ni Maîtres. Un type masqué qui a trouvé comme passion le bidouilllage sonore à l'extrême pour en faire une noise expérimentale frontale et angoissante. Armé de divers joujoux (un thérémine, une contrebasse électrique, des pédales d'effets), Gareth Turner triture les sons, malmène sa contrebasse, s'amuse avec les fréquences, tente d'innover de nouvelles formes d'expressions sonores à la fois acoustiques et électriques. De notre point de vue, on se pose la question de savoir si l'Anglais, un peu nerveux, ne fait pas n'importe quoi, si c'est du freestyle ou quelque chose d'écrit. Comme un gamin, il semble perdu par le nombre de capacités possibles d'exécuter ses drones, et de moduler et faire progresser ses signaux sonores. Surpris au début (par le choix de la première partie, pas par le style qu'on connaissait déjà), on se laisse embarquer petit à petit dans ce spectacle oppressant jusqu'au point de non-retour qui arrive pile poil à la fin du show. Comme si tout était calculé.
Contrairement à Ni Maîtres, la prestation de King Buzzo et Trevor Dunn est beaucoup plus calme, on entend le public réagir aux chansons, la joie qu'il leur exprime à chaque titre (pendant et à la fin). Et puis, grâce à cette configuration, on ressent davantage l'énergie du duo. Ce dernier arrive insouciant sur scène, Buzz s'accorde pendant que Trevor commence à introduire les premières notes sur sa contrebasse. Le bassiste de Mr Bungle est là pour donner de la profondeur et de la percussion aux chansons de Buzz, tout en l'accompagnant à la voix. C'est d'ailleurs cette dernière qui nous surprend (en bien) le plus. La voix de King Buzzo est carrée et puissante, tandis qu'on découvre par la même occasion le talent de vocaliste de Trevor Dunn, dont les chœurs sont magnifiquement travaillés. Ce dernier montre par la même occasion sa technique éblouissante à la contrebasse, ça tartine, c'est technique, et ça joue vite et précis. Finalement, c'est lui qui montrera le plus de caractère durant ce concert. Au contraire du guitariste qui, bien qu'il secoue sa touffe régulièrement, reste quand même un peu dans sa zone de confort à envoyer ses riffs calqués sur le mode Melvins (certains titres du groupe ont été joués), à savoir de la lourdeur, de la saccade, du piano/forte, le tout avec un petit quelque chose de mystérieux qui fait le sel de son art. King et Trevor terminent leur concert au bout d'une heure et quelques avec une reprise très personnelle, mais non moins excellente, de "Shock me" de Kiss avant que le contrebassiste, laissé seul sur scène par Buzz, module à l'aide de ses pédales d'effets des sons capturés sur son instrument imposant, et ce, en totale improvisation. La boucle est bouclée.
Merci à Rosie et Lauren
Photos : JC Forestier
Publié dans le Mag #63