Carousel feeling est le nom donné à la méthode utilisée par les orques pour chasser le hareng en Norvège. C'est aussi désormais le nom de cette nouvelle rubrique, où à chaque numéro est fait un focus sur un groupe de musique actuelle norvégien. Les petits gars d'Oslo Killer Kid Mozart ont sorti leur troisième album Crying in overdrive sur Banditt Media au mois d'avril, différent de son prédécesseur, plus épuré et bénéficiant d'un enregistrement surprenant. Pour en savoir davantage, nous avons envoyé nos questions à Hallvard le chanteur du groupe, qui y a répondu avec plaisir.
J'ai eu l'opportunité de vous découvrir au dernier Oslo IndieFest 2023 (cf. W-Fenec Mag #56) et votre performance scénique m'a époustouflé, pouvez-vous nous présenter le line-up actuel du groupe ?
Merci ! Le line-up actuel du groupe est composé de moi-même (Hallvard) au chant, Simen Schikulski à la basse, Sverre Bøe à la batterie, et aux guitares, Even Tekrø et Tobias Osland, qui a fait ses débuts dans Killer Kid Mozart au concert que vous mentionnez.
Aimez-vous jouer live ?
Pour nous, jouer live est à la fois une douleur et un plaisir. Ça peut être une expérience passionnante, inspirante et euphorique qui nous permet de nous connecter avec notre public, mais cela peut aussi être une expérience exigeante et épuisante si vous êtes dans un esprit perfectionniste. C'est une sorte de souffrance dont nous jouissons de temps en temps. On veut tout donner sur scène et qu'il ne reste rien dans le réservoir.
Votre album est sorti sur le label Banditt Media, comment est née cette collaboration ?
J'ai rencontré Jørn Haagestad, l'homme derrière Banditt Media, quand un groupe avec lequel je joue qui s'appelle Tape Trash a été signé et a commencé à mettre de la musique sur son label. Jørn est un ENORME passionné de musique qui a une grande passion pour la scène indie d'Oslo, c'est un gars à qui on demande volontiers des recommandations musicales. Ça a été un réel plaisir de sortir cet album avec lui.
Quel a été l'accueil du nouvel album par le public et la presse ?
J'ai l'impression que le LP a été très bien reçu par les fans, même si je le considère comme un disque moins accessible que le précédent. La station de radio norvégienne NRKp13 a été d'un grand support en diffusant largement plusieurs de nos titres. Nous avons eu quelques bonnes critiques dans la presse écrite, aussi bien en Norvège qu'à l'étranger.
Comment s'est passé l'enregistrement de votre dernier opus Crying in overdrive ?
Le processus d'enregistrement a été différent de tout ce que nous avions fait auparavant. Nous avons eu la chance d'emprunter une grande salle de concert située dans la mairie de notre ville natale d'Elverum pour enregistrer. Cette salle a une réverbération naturelle exceptionnelle que vous pouvez apprécier sur beaucoup de titres, en particulier sur les parties de batterie. On voulait que ça sonne comme une production de Steve Albini, alors on a regardé des heures de vidéos sur YouTube où il expliquait ses techniques d'enregistrement, on a essayé de reproduire ça du mieux qu'on pouvait.
Être tous ensemble dans cette salle, sans producteur, sans pression de temps et sans aspect financier à la clé, a rendu l'enregistrement très créatif et a permis beaucoup d'expérimentations et d'intrépidité dans nos prises de décision.
Comment définissez-vous votre style musical ? Quelles sont vos influences ? Aimez-vous des groupes en particulier ?
On fait de la musique à guitares particulièrement mélodique, appelez ça comme vous voulez : pop, rock ou indie. Les mélodies ont toujours été au centre de l'écriture de nos chansons et nous n'avons jamais reculé devant des détours pour des passages plus cheesy. Nous aimons expérimenter de nouvelles tonalités, s'essayer à une nouvelle marque de fabrique qui corresponde à notre époque, mais seulement si c'est intuitif et sert le titre. Killer Kid Mozart s'inspire beaucoup du rock indépendant des années 90 et 2000 car c'était l'âge d'or pour le rock. Je peux citer des groupes comme Pixies, Weezer et Superdrag. Une influence majeure pour moi à nos débuts a été les disques de Motorpsycho sortis de 1996 à 1998. Tout le monde devrait aller vérifier ça.
Il y a toujours un travail photographique important pour vos pochettes. Qu'en est-il de la pochette de There's a psycho behind the wheel ?
L'artwork sur There's a psycho behind the wheel est composé de photos que j'ai prises dans ma ville natale d'Elverum. Je suis intrigué par les bâtiments et les objets qui sont vieux, fatigués et en ruine. Ici, à Oslo, tout est très propre, neuf et sans histoire. Je trouve ça ennuyeux.
Et concernant Crying in overdrive ?
La pochette de Crying in overdrive est la première avec notre tête dessus. Un de mes amis dit toujours qu'il faut mettre le visage des artistes sur la pochette. C'est inné de s'arrêter sur un visage parmi d'autres visuels de pochette et par conséquent, ça se repère mieux dans les rayons des disquaires. La session photo s'est déroulée dans une forêt au bord d'un lac brumeux à l'automne, en mode black metal, avec le photographe et ami Ole Martin Andreassen. Nous voulions capturer à la fois la morosité et le caractère ludique du disque en une seule image.
Comment avez-vous écrit les chansons de Crying in overdrive ?
Je me suis beaucoup amusé à écrire les paroles de cet album, je pense qu'il contient nos meilleures prouesses de songwriting à ce jour. Je pense que la clé pour moi a été de simplement laisser tomber toutes les conventions dans l'écriture et juste essayer de m'amuser. Le processus d'écriture implique habituellement d'identifier l'ambiance centrale de la chanson, puis d'écrire un tas d'associations et de trouver le récit qui correspond.
De quoi parlent vos chansons ?
Je m'intéresse beaucoup aux rêves et à leurs significations. "This sunday I went to the moon" m'a été inspiré par un cauchemar que j'ai fait. Dans mon rêve, j'étais dans un vaisseau spatial qui se dirigeait droit vers la lune, j'étais rongé par les regrets avec le désir de retourner sur Terre. C'est-à-dire que les choses les plus petites et les plus insignifiantes étaient devenues les choses que je désirais le plus au monde. Le titre "Pretty when I cry" est plus une feel good song. En art comme en amour, il faut prendre des risques, faire face au rejet et peut-être verser quelques larmes. Ça fait partie de la vie. Cette chanson est destinée à vous mettre en mode combattant et vous préparer à prendre des risques. "Wish" parle de toutes les choses que tu aurais aimé faire quand tu étais plus jeune, mais que tu n'as jamais eu le courage de faire. Pour moi, c'est une chanson profondément personnelle. En grandissant dans une petite ville où il est difficile de se démarquer ou d'être queer, vous vous retrouvez avec cette profonde mélancolie quand vous apprenez qu'il y a un monde en dehors de la bulle de votre petite ville, et vous réalisez à quel point vous vous êtes retenu.
Comment est né le nom du groupe ?
Killer Kid Mozart a été choisi comme nom de groupe parce qu'il rend les gens un peu confus, tout en restant mémorisable. Ce n'est pas une référence particulière à quelque chose, mais un nom que nous avons créé. Quelque part, j'ai l'impression que ça exprime une certaine limite qui correspond à notre musique, mais je ne peux pas vraiment l'expliquer.
Jouons à un jeu amusant, pour "Killer", peux-tu me nommer un tueur célèbre, réel ou fictif ?
Je vais devoir dire Per et Veronica Orderud du fameux triple meurtre norvégien. Le dossier Orderud n'est toujours pas résolu techniquement, mais tous les Norvégiens que vous rencontrerez auront une opinion de qui est le coupable.
Pour "Kid", quel était ton jeu ou jouet étant enfant ?
Gamin, j'adorais les cartes à échanger Pokémon. J'étais obsédé par tout ce qui était Pokémon. Je croyais qu'il y avait de vrais Pokémon dans les bois.
Pour "Mozart", quel est ton compositeur de musique classique préféré ?
Évidement, je citerais la rockstar en personne : Wolfgang Amadeus !
Halfdan Ullmann Tondel a remporté la Caméra d'Or au festival de Cannes cette année avec son film Armand, quel(s) sont vos film(s) norvégien(s) préféré(s) ?
Je suis hyper enthousiaste à propos de cette nouvelle génération de cinéastes norvégiens dont le travail est reconnu et j'ai hâte de voir Armand. Les films norvégiens que j'ai appréciés récemment sont Syk Pike (Sick of my self) de Kristoffer Borgli, Thomas mot Thomas de Jakob Rørvik et Ninjababy de Yngvild Sve Flikke. D'ailleurs avec Killer Kid Mozart, nous faisons une apparition en tant que figurants dans Ninjababy.
J'apprécie particulièrement le légendaire film d'animation en stop motion Flåklypa Grand Prix de 1975, la bande-son est incroyable, on en diffuse des morceaux dans nos shows.
J'ai l'impression d'une réelle cohésion dans la scène indépendante en Norvège, avec quels groupes avez-vous de bonnes relations ? De qui vous sentez-vous proche ?
Oui, oui. C'est une toute petite scène, nous jouons dans les groupes des uns et des autres et nous traînons dans les concerts de chacun. Si vous faisiez une carte des connexions et des musiciens qui jouent dans des groupes à Oslo, ce serait comme une grande toile d'araignée. Killer Kid Mozart partage des membres avec Hammok, Sløtface, Team Me et Tape Trash. Kenneth Ishak de Beezewax a produit notre premier disque et il est une grande source d'inspiration. D'autres groupes dont nous nous sentons proches, parce que nous avons joué ensemble, sont Spielbergs (même s'ils sont en pause), Trueandtrue, Onsloow et Neighboring Sounds.
Comment se sont passés les derniers concerts ? Quelle atmosphère y avait-il ? Comment va le public norvégien ?
Nous avons fait deux concerts pour la release party de l'album, un à Oslo et l'autre à Elverum. C'était une ambiance presque stressante car nous avions beaucoup à prouver, nous n'avions pas fait de show depuis longtemps. C'était génial de voir toute cette énergie accumulée qui s'exprimait enfin sur scène. Le public norvégien n'est pas très expressif, il faut avoir confiance en soi et se nourrir de l'énergie du groupe. Dans le fond, nous savons que le public apprécie vraiment, même si il se tient les bras croisés en hochant le tête.
Quels sont vos projets pour 2024?
Comme je vous le disais, les différents membres du groupe ont beaucoup de projets en cours, ce qui a rendu difficile l'organisation des concerts cet été et cet automne. Tobias est en tournée en Europe avec Hammok et Sløtface et pour ma part, j'exploite le battage médiatique de deux groupes dans lesquels je suis : Cupid Girl et Tape Trash. Pour Killer Kid Mozart, nous allons juste continuer de promouvoir le disque et voir ce que l'avenir nous réserve.
Un message pour nos lecteurs ?
Écoutez notre disque et regardez Flåklypa Grand Prix !
Merci à Hallvard et Killer Kid Mozart.
Photo : Martin Boe
Publié dans le Mag #61