Kerreta De la Nouvelle-Zélande, on ne connaît que quelques groupes, comment est la scène rock chez vous ?
On ne connaît que la scène rock alternative, on ne s'intéresse pas à tout ce qui est commercial. Il y a de supers bons groupes : Beastwars, High Dependency Unit (HDU), Mountaineater, Old Loaves, Jakob, The All Seeing Eye. C'est une bonne chose d'avoir autant de bons groupes, la Nouvelle-Zélande est très éloignée de tout, c'est très difficile pour les artistes de pouvoir faire de bons albums s'ils ne tournent pas à l'étranger, nous ne sommes pas très nombreux en Nouvelle-Zélande et voyager hors du pays coûte horriblement cher.

C'est facile de trouver des concerts, de sortir un album ?
Il y a énormément de restrictions quant à la vente d'alcool chez nous, ce qui fait que les squats n'existent pas vraiment. Du coup, les jeunes groupes commencent par jouer des concerts lors de fêtes chez les gens avant de pouvoir en faire dans une vraie salle de concert. Et elles ne sont pas nombreuses donc il vaut mieux connaître d'autres groupes qui y jouent et essayer de faire leur première partie. Quand tu fais une tournée en Nouvelle-Zélande, tu as souvent intérêt à ajouter des dates en Australie, les villes néo-zélandaises sont très éloignées les unes des autres alors que Sydney n'est qu'à deux heures de vol d'Auckland.

Et pour sortir un album ?
On a de la chance parce qu'on possède pas mal de matos pour enregistrer et c'est David, notre guitariste qui mixe nos albums, c'est donc plus facile pour nous que pour d'autres. Nos disques sortent via Golden Antenna en Europe, il y a donc des gens qui nous aident beaucoup, on les remercie au passage ! Hors d'Europe, on doit payer pour tout ce qu'on fait, c'est un gros boulot pour faire en sorte que ça marche.

Pourquoi avoir enregistrer et mixer vous-mêmes cet album ?
Sur certains titres, enregistrer et composer, c'est la même chose pour nous. Là, en gérant tout, on pouvait passer pas mal de temps à faire des prises puis les écouter et voir si ça nous plaisait assez pour développer encore le titre jusqu'à ce que ça sonne comme on le voulait. On a notre propre studio donc on peut enregistrer et mixer comme on veut. David a enregistré beaucoup d'autres groupes, c'est évident pour lui de s'occuper de nous ! Et bien entendu, ça nous coûte beaucoup moins cher que de louer un studio...

Vous retravaillez les titres en studio ou c'est juste pour enregistrer ?
Sur nos deux premiers albums, on répétait et enregistrait tout ce qu'on faisait ensemble ! On bossait en continu sur les parties qui nous plaisaient le plus jusqu'à avoir des titres entiers qui nous satisfaisaient. Ensuite, on allait dans un vrai studio et on les enregistrait proprement. Pour Pirohia, c'était différent parce qu'on ne vit plus aux mêmes endroits, c'était à chacun de nous d'amener des idées qui étaient déjà bien élaborées pour les présenter aux autres. Une fois qu'on se rencontrait quelque part, on ajoutait les idées des autres jusqu'à obtenir la structure de base et on rebossait dessus pour fignoler et placer divers arrangements avant d'entrer en studio pour tout enregistrer.

Quel est le pays qui vous attire le plus en terme de musique ?
Il y a de la bonne musique dans chaque pays, on n'a rien contre aucun pays ! Bien sûr, on aime pas mal de groupes de Nouvelle-Zélande... Au niveau du rock, les gens ont besoin de temps pour écrire mais aussi de relations et d'argent pour pouvoir répéter et enregistrer quelque part. Je pense que seuls ceux qui réunissent tout ça peuvent monter des groupes durablement... Hors de chez nous, si on considère la population totale du pays, les Suédois s'en sortent pas trop mal, non ?

Kerretta - Pirohia Venir un mois en Europe, c'est des vacances ou le boulot ?
Les deux ! On adore composer et bosser dur pour sortir les meilleurs disques possibles puis faire les meilleurs concerts possibles. Partir en tournée, c'est là aussi un peu des deux parce que c'est dur physiquement et mentalement. Ceci dit, on est très chanceux parce qu'on voyage, on rencontre des gens, on donne des concerts, c'est cool. On apprend beaucoup et on voit plein de choses qu'on ne voit pas chez nous.

Ca demande des "sacrifices" dans vos vies ?
On est loin de nos familles et on se retrouve souvent dans des endroits et des situations où on se demande "qu'est-ce qu'on fout là ?". Mais on est assez passioné par ce qu'on fait pour continuer d'écrire de la musique et essayer de l'amener au plus de monde possible.

La mer est au centre des très belles photos de l'artwork, c'est quoi pour vous ?
J'ai pas trop envie de développer, je pense qu'avoir une telle image permet à l'autre de se mettre à la place de celui qui prend la photo et de ressentir les choses. Certaines questions ne doivent pas avoir de réponse, c'est mieux de garder une part de mystère. J'espère qu'il y a assez de clarté et d'ombre dans l'artwork pour que chacun se fasse sa propre idée.

Vous pouvez nous parler de "Kwea Tatou Ki Nga Hiwi" ? C'est une sorte d'hommage à votre pays ?
Déjà, la traduction pourrait être "Amener nous aux collines". D'habitude, on n'a pas de chant, pour la première fois on a écrit une ligne mélodique pour une voix et on voulait l'utiliser comme un instrument. On a bossé sur les textes et le chant plusieurs semaines avant le studio. Les chants traditionnels maori n'utilisent pas la gamme occidentale et leurs lignes de chants ne s'éloignent jamais de plus de 4 ou 5 notes de la note principale. Et souvent la musique passe d'une note à l'autre très lentement, du coup, il y a de tout petits changements de tons. Les textes sont difficiles à traduire, ils sont écrits en vieux maori et non pas dans le langage parlé d'aujourd'hui, cette vieille langue est bien plus élégante et une lourdeur insistante sur les métaphores. C'est pas vraiment un hommage à la Nouvelle-Zélande, ça semblait juste naturel pour nous d'utiliser le maori quand on a décidé de mettre du chant sur cette chanson.

Ce chant est davantage présent pour sa musicalité que pour le message mais il est tout de même en maori, ça signifie quelque chose...
Depuis toujours, notre approche a été mélodique. Bien sûr que si tu utilises la langue maori, c'est inévitable de faire le rapprochement avec cette culture mais on n'a pas voulu que cela ait un sens particulier, d'ailleurs c'est la même chose dans les chants traditionnels.

Si vous aviez des textes, de quoi parleraient-ils ?
Peut-être qu'un jour je pourrais répondre correctement à ta question... si jamais on utilise des textes !

L'edition collector de votre album s'est vendu intégralement avant sa sortie, vous vous y attendiez ?
Pas du tout ! On est très touchés que les gens dépensent leur argent durement gagné pour venir à nos concerts et acheter les disques sur lesquels on a travaillé. C'est très excitant de savoir que des gens partout dans le monde croient suffisament en nous pour commander un album qu'ils n'ont jamais entendu !

Vous sortez régulièrement des titres en digital, c'est une volonté d'utiliser les nouveaux media ou est-ce que c'est par commodité pour toucher le monde entier ?
On apprécie tous les formats. Quelque soit le moyen, on est heureux que les gens écoutent notre musique. Le digital est très pratique parce que tu l'emportes où tu veux. Notre format favori pour profiter de la meilleure qualité de son, c'est le vinyle. Les formats physiques forment un tout, en plus d'une excellente qualité sonore, tu as l'artwork que l'artiste a voulu pour l'accompagner. C'est bien aussi pour l'aspect social du disque...

Merci pour tout, profitez bien de la tournée européenne !
Merci !