Parfois, il suffit de l'écoute d'un seul titre, via un clip ou un stream, pour être convaincu de chroniquer un disque. Cela peut être périlleux, mais la prise de décision se joue des fois à pas grand-chose. Pour Kcidy, ce fut par le biais du très bon clip de "Soudain une envie", dans lequel la musicienne, originaire de Lorient et vivant près de Lyon, campe le personnage d'une employée d'une compagnie de vente en ligne qui décide brutalement de fuir ce quotidien ennuyeux pour retrouver sa liberté et de changer de vie, tout simplement. Je ne connaissais pas Kcidy, nom emprunté par Pauline Le Caignec, l'ex-batteuse de Tôle Froide qui a également participé à l'aventure Satellite Jockey aux claviers. Rien d'étonnant à cela, ne suivant pas avec assiduité la scène pop française, la trouvant la plupart du temps décevante car superficielle et sans prise de risque artistique. Chez cette artiste, précisément, c'est différent.
Je me suis donc penché sur son troisième album, Quelque chose de bien, sorti conjointement en janvier chez Vietnam, le label des éditions So Press (So Foot, Society...), et Wagram, et je n'ai pas été déçu. C'est même la très bonne surprise qui m'a envahi en dégustant ses 14 titres pop retro. J'aime la capacité de Kcidy a s'imprégner du patrimoine de la pop féminine à la française (le meilleure de Françoise Hardy, de France Gall, d'Elli & Jacno voire de Lio), en plus de quelques influences plus internationales (MGMT, The Beatles, Radiohead, Burt Bacharach), pour en sortir une pop bonbon mélodique et lumineuse qui fait un bien fou à la scène française en la matière, un peu comme Clara Clara, Halo Maud et Forever Pavot avec leur propre univers.
Celui de Pauline, avec sa voix légère et candide et ses mots salvateurs inspirés de situations concrètes de la vie, nous entraîne dans une fraîche virée de morceaux pop baroque orchestrés et arrangés d'une main de maître avec l'aide de tout un tas de copains et copines du réseau (Mathias de The Wow Signal, Florian de Neptune Football Club, Rémi de Satellite Jockey, Margaux d'En Attendant Ana, Alexis de Biche, Leslie de Tôle Froide, Marion de Jokari, Arnaud de Forever Pavot...). Certains titres marquent l'esprit plus que d'autres pour différentes raisons : "Mélodie" par son exotisme et ses textures cuivrées 60's ; "Soudain une envie" et "Sentiment banal" pour leur attachante espièglerie inspirée grandement de la synthpop des 80's ; "2020" et ses émanations disco pas dégueulasses ; "Collier de pluie" et son orchestration ; ou encore l'aérienne et cajoleuse "L'eau la lune". Quelque chose de bien avait a priori tout de l'album que je déteste (la pop acidulée chantée en français) mais Kcidy a proposé une vision unique, une ode à la vie qui m'a touché. N'est-ce pas le but de la musique et de l'art en général ?
Publié dans le Mag #60