Karpatt "Il en faut peu pour être heureux" ! Tu connais la musique (même si tu n'es pas forcément incollable sur l'univers Disney). Et pourtant, ce titre du "Livre de la Jungle" se prête avec fidélité à la sensation que m'a procurée En escale, le nouvel album de Karpatt. Après quasiment trois décennies de carrière ininterrompue, le trio présente son neuvième opus qui va te faire une nouvelle fois voyager dans son univers coloré et syncopé.

Pourtant, le successeur de Valparaiso, paru en 2019 et évoquant le Chili, devait faire voyager son auditoire en Inde. Patatras, la COVID est passée par ici et par là, contraignant nos baroudeurs à se confiner et à prendre leur mal en patience. Et le titre de ce disque prend alors tout son sens. En escale n'est pas un simple disque d'artistes confinés. C'est une véritable ode à l'amour, au voyage et un formidable manifeste dédié aux libertés individuelles. Introspectif à souhait avec des textes forts et amenant à réfléchir sur les rapports humains et sur l'étrange période vécue loin des siens, les sonorités de ce disque se veulent autant entraînantes ("Si tu te rappelles") qu'empreintes de spleen ("123 soleil", "À ton cou"). Pendant cinquante minutes, qui défilent à la vitesse de la lumière, se côtoient les ambiances de salsa ("Donne-moi la main"), la musique du monde (l'émouvant "Mother San"), les sons des pays de l'Est ("Passe le temps"), les ambiances folk-pop (le touchant "Amigo"), parfois saupoudrés de teintes électro ("Reviendras-tu si je m'en vais" ; "Je serais bien une fille" sentant bon les ambiances des albums de Manu Chao). L'équilibre des cuivres, des percussions et des guitares acoustiques est magistral, tandis que la voix de Fred fera vibrer les amateurs de cette fameuse scène "chanson world music caravaning" chère aux Ogres de Barback. Et ce n'est pas un hasard si on retrouve avec plaisir Pierre Luquet et Olivier Leite de La Rue Kétanou.

Accrocher à un disque dès ses premières notes, de quelque type d'artiste qu'il soit, est un sentiment enivrant. Lâcher prise en voyageant dans l'univers de musiciens talentueux est un luxe qu'il est nécessaire de s'offrir de temps en temps. En escale m'a fait ce double effet. Je t'en souhaite de même.