Juniore 1 Je vous ai découverts cette année totalement par hasard au détour d'une playlist Spotify. Pourtant, le groupe existe depuis 10 ans. À mon grand étonnement, j'ai donc raté une décennie de votre aventure musicale. Pouvez-vous nous rappeler dans les grandes lignes qui est derrière Juniore, et ce que vous avez fait jusqu'à la sortie de votre troisième album, Trois, deux, un, sorti en septembre dernier ?
10 ans ! Nous-mêmes on trouve ça fou. On a fabriqué des chansons qu'on a mises sur des disques et on a fait des concerts aussi. Et on s'est aperçus que l'espace-temps dans un groupe de musique est complètement distendu. Quand on fait des voyages ensemble, le temps file et chaque journée est très remplie. Quand on se voit moins, le temps paraît plus long. C'est pour ça qu'on se dit souvent que ça devrait se compter en année de chien. Ce qui voudrait donc dire que Juniore a 70 ans.

J'ai lu que le groupe a compté jusqu'à sept membres. Rassurez-moi, c'était avant de composer le premier album ? Parce que faire de la musique à sept n'est pas vraiment la même organisation qu'à trois.
Oui, au tout début, il y avait Verena, Laurence, Magali, Antonia, Déborah et Sophie au tambourin. Ça faisait beaucoup. On passait pas mal de temps à manger des pistaches et boire des coups et à parler des répètes qu'il faudrait faire. C'était assez cacophonique, mais on rigolait bien. Et puis chacune a fait son chemin, Samy a progressivement remplacé tous les postes vacants, j'ai passé une petite annonce et on a rencontré Swanny. On a beaucoup rigolé aussi, mais c'était moins cacophonique à trois et plus facile de voyager. Ça fait quelques mois qu'on a ajouté un membre : c'est Lou Maréchal à la guitare basse. Ça ricane encore plus à quatre.

Votre biographie dit : «Vous l'ignorez peut-être (ou pas) mais vous avez souvent écouté Juniore». En lisant ça, je me suis dit que votre musique a dû passer davantage sur des canaux dits "mainstream" ou généralistes (radio, publicité, BO de film...), car, sauf erreur de ma part, votre nom n'a pas beaucoup circulé dans le cercle underground. Quel est, selon vous, votre type de public ?
Je saurais pas trop dire. J'ai même du mal à imaginer qu'on en a un, de public. Mais les gens qui viennent nous voir à nos concerts, je crois que c'est des gens sympas. Des gens avec qui on a l'impression qu'on pourrait être copains.

Votre nouvel album cartonne, j'ai vu des dates complètes. Est-ce une surprise pour vous ? Est-ce que ce succès vient plutôt de votre notoriété ou de la sortie de ce troisième album ?
Tout est relatif ;) Mais c'est vrai qu'on est très bien accueillis. Les gens viennent à nos concerts, certaines personnes connaissent même les paroles de vieux morceaux, d'autres nous découvrent. C'est quand même une chance d'être aussi vieux et de se sentir de la première fraicheur.

Votre deuxième album s'intitulait Un, deux, trois, le nouveau Trois, deux, un. C'est un clin d'œil ? Une sorte de faux départ dû aux annulations à cause du COVID ? Une manière de caractériser le temps qu'il a fallu pour livrer ce 3e album, avec une certaine prise de recul ?
Oui, c'est exactement ça. Une façon aussi de se rappeler qu'on est passés de l'autre côté du miroir. Tout est pareil, mais tout est différent aussi.

De manière générale, est-ce que les albums précédents ont influencé le nouveau ?
Oui et non. Il y a quelque chose d'étrange dans une chanson, c'est qu'elle cesse un peu de nous appartenir à mesure qu'elle existe dans le temps. C'est-à-dire qu'au début, elle semble très familière. Et puis, avec les mois, les années, elle devient autre chose. Mais je crois aussi qu'on écrit toujours la même chanson. Alors oui, et non.

Votre style est un mélange audacieux de pas mal d'influences (et de sonorités) dont la plus évidente est la pop sixties. Vous avez grandi avec cette musique ? Ou c'est quelque chose que vous avez découvert tardivement ? Est-ce qu'elle vous surprend encore quand vous la réécoutez ?
Oui, on a tous grandi en écoutant la musique des années 60. Swanny écoutait les yéyés dans la voiture de ses parents (à son grand désespoir) Samy écoutait John Lennon et Bob Dylan et, moi aussi, j'ai grandi en écoutant la musique anglo-saxonne des années 60. J'ai découvert assez tardivement qu'une période similaire avait existé en France. Les années 80 et 90 avaient tellement balayé toutes les influences des années 60 dans la variété française, que j'en ignorais tout. Et puis un jour, j'ai écouté les premières chansons de France Gall. Ça a été le début d'une longue monomanie dont je ne suis pas sûre d'être tout à fait sortie.

Trois, deux, un pourrait être une compilation de titres de bande son de film. Lequel, selon vous, pourrait le mieux s'y prêter si l'on prend en compte notamment les thématiques abordées ?
Ce serait merveilleux ! Peut-être un cadavre exquis, un mélange d'un western de Sergio Leone, d'un chapitre de la vie d'Antoine Doisnel de Truffaut, d'un retour des morts-vivants de Romero et du Gendarme de Saint-Tropez.

Dès le premier album, les Anglais ont aimé Juniore. Pourtant, le groupe chante en français. Un paradoxe ?
Peut-être ! Je crois que les Anglais sont encore très sensibles à l'héritage musical des années 60. Les années 80 et 90 ont moins balayé cette période - même Queen n'a pas complètement détrôné les Beatles. Ils apprécient beaucoup l'époque des yéyés, la connaissent mieux que la plupart des Français qui considèrent que c'est un sous-genre. En Angleterre, ce n'est pas un gros mot. Et la musique populaire ne rime pas forcément avec mauvais goût (comme c'est le cas dans l'esprit français peut-être ?).

Votre rencontre avec le musicien/producteur Samy Osta (La Femme, Feu ! Chatterton, Forever Pavot) a été j'imagine un déclencheur/accélérateur dans l'histoire de Juniore. Pouvez-vous me parler de votre rencontre et ce qu'il a apporté à Juniore ?
J'ai rencontré Samy au lycée, c'était il y a bien longtemps... On a des goûts similaires et d'autres nettement moins, mais on a une conversation musicale qu'on apprécie beaucoup tous les deux. C'est Samy qui donne la couleur des disques de Juniore, qui les peaufine et les magnifie. Sans sa touche, Juniore ne sonnerait pas du tout de la même façon.

J'ai noté qu'il jouait souvent masqué ou déguisé sur scène. Est-ce une forme de timidité, de déconnade, de mystère... ?
C'est à lui qu'il faut poser la question ! Enfin, si c'est lui.

Il s'est passé quoi au bowling de Diano Marina ? Un amour perdu ? Vos textes sont-ils autobiographiques ou ce sont des petites histoires fictives inspirées de votre vie ?
Le Bowling de Diano Marina, c'est le lieu de tous les plus beaux amours passagers plus ou moins ratés, de l'été. C'est toujours un peu vrai et toujours un peu faux, ce qu'on raconte dans les chansons, je crois. C'est Jacques Brel qui disait, il me semble, qu'on raconte en chanson tout ce qu'on ne vit pas dans la vie.

Pour terminer cette interview, je vais vous citer quelques artistes ou groupes qui me passent à l'esprit (parmi tant d'autres) quand j'écoute votre album (peu importe le style qu'ils font), j'aimerais savoir ce que vous pensez d'eux :

Juniore 2 Françoise Hardy
La reine des yéyés ! Façon anti-héroïne, indémodable.

La Femme
Nos petits grands frères, on admire et adore.

La Luz
Les plus stylées des indies.

Kcidy
Connais pas ! J'irai écouter.

Jacqueline Taïeb
L'inimitable Jacqueline, on l'écoute en boucle depuis des années.

Mansfield.TYA
Intemporelles !

Gloria
Nos amis ! On les apprécie beaucoup et on leur est reconnaissants de nous avoir fait rencontrer Graeme (notre partenaire en Angleterre et le beau-père de la chanteuse Amy)