Le duo belge n'a jamais vraiment arrêté pendant cette crise sanitaire. Parmi une multitude de projets, un nouvel album est sorti en mai et une tournée a commencé dans la foulée. Les chevaux sont donc lâchés, mais votre serviteur a su profiter d'une pause virtuelle de La Jungle pour prendre son pouls et notamment lui arracher quelques sentiments sur son nouveau disque, Fall Off The Apex, et même faire un rapide portrait chinois de Rémy et Mathieu. C'est parti !
J'ai l'impression que vous n'avez pas chômé pendant les confinements successifs. Un nouvel album a vu le jour mais pas que ça apparemment, pouvez-vous nous dire comment vous avez vécu cette période de crise sanitaire en Belgique ?
Rémy (batterie) : Disons que notre nouvel album a même vu le jour juste avant le tout premier confinement en mars 2020. Fall off the apex n'est pas vraiment notre album de confinement, c'est plutôt de supers souvenirs, une année 2019 avec plus de 100 concerts durant laquelle on a composé les morceaux, et l'entrée en studio dans un cadre verdoyant quelques mois plus tard, juste avant le début de la pandémie.
Mathieu (guitare-basse-chant-clavier) : Toutes les sorties de 2020 étaient planifiées à l'avance : le double live, le split avec Hyperculte, le triple vinyle remix, la double cassette + remix, du coup on a pu mettre tout ça en œuvre, plus posément, vu qu'on n'avait pas toutes les dates habituelles.
Parmi vos plans, il y a également un projet avec le musée Art et Marges qui débouchera sur un album l'année prochaine, c'est bien ça ? Pouvez-vous nous raconter cette collaboration ?
Rémy : Avec la crise, une foule d'appels à projets ont été lancés en Belgique. En attendant le retour des concerts, on s'est lancés sur plusieurs collaborations qui touchent à la réalisation documentaire, au patrimoine, à l'illustration ou encore à l'art brut. L'idée avec Art et Marges, c'est d'écrire un nouvel album et de lui attribuer une série d'interprétations graphiques par une dizaine d'artistes. C'est un processus plus lent, plus ouvert aussi, où on rencontre les artistes invités. On échange un peu plus que d'habitude, avec des chefs d'ateliers, des directrices et directeurs de centres d'arts et spécialisés. Ça prend forme petit à petit, vivement l'année prochaine !
Mathieu : On apprend énormément de ces rencontres et cela nous construit un peu plus. On a composé avec des visuels en tête.
Vous avez aussi soutenu à votre manière la presse par l'intermédiaire de Mathieu qui a contribué au design d'un t-shirt pour une campagne Tipeee du webzine musical belge Goûte Mes Disques. Je ne savais pas que tu dessinais. N'as-tu jamais pensé à faire l'une de vos pochettes ?
Mathieu : Je fais généralement toutes les pochettes, vinyle, K7, t-shirts, avec Rémy aussi, etc... Mis à part lorsque c'est un album, car on a voulu suivre une ligne directrice avec les peintures de Gideon Chase.
Gideon a donc poursuivi sa collaboration avec vous sur Fall off the apex. C'est vous les deux vaches ? On passe au règne animal selon vous ?
Rémy : On le détruit surtout. Mais la nature est d'une rare résilience, bien plus que l'humain. On fera encore bien du tort à ce que tu appelles "le règne animal", mais lui tiendra le coup d'une manière ou d'une autre, pas nous. Et Mars ne nous sauvera pas. Et vive les vaches !
Mathieu : Je ne pense pas qu'on soit les deux vaches. Chacun y trouvera sa propre interprétation en fonction du titre et du visuel.
Justement, que signifie ce titre ? Que vous vous sentiez à votre apogée avant de le sortir ?
Mathieu : On a été "fauché" par cette pandémie alors qu'on tournait à 100 dates par an. Et du jour au lendemain, tout s'est arrêté. Mais ça évoque le fait d'arriver à un point, au sommet de ce que l'on peut faire subir à la terre par exemple, comme son exploitation. Ça risque de nous péter à la gueule, ce sera la récession ou la chute. Il faut apprendre à savoir se dire "Stop ! Là on va trop loin, on déconne". On a pas besoin d'autant de ci ou ça, calmons le jeu en ralentissant cette folle course capitaliste.
Si je vous dis que Fall off the apex est un bon résumé de tous les disques de La Jungle, vous confirmez ?
Rémy : Oui et non. On a surtout essayé de mettre la barre un peu plus haut en terme de production, notamment en retournant en studio. Du coup, ça sonne plus fort et plus gras. Après, ta remarque est peut-être signe qu'on a vraiment trouvé notre créneau, notre truc à nous, et qu'on est désormais vraiment à l'aise avec ce genre de compositions et de sonorités. Ça me va !
Mathieu : D'une manière générale, on essaie de ne pas se répéter. Bien que nos chansons soient basées sur la répétition.
En quoi ce disque est-il différent des précédents ? Le producteur ? L'inspiration ? La façon de le composer et de l'enregistrer ?
Rémy : Avec le recul, chose à laquelle je n'avais pas forcément pensé auparavant, je me rends compte que c'est le disque avec lequel on se lance à fond avec ce groupe. On y met plus d'énergie qu'auparavant, on y consacre davantage de temps. On va jouer plus loin aussi, en Croatie, en Russie. C'est d'ailleurs devenu notre activité principale à tous les deux depuis Fall off the apex. Et la tournée suit, de juin à décembre on a de la route, beaucoup, et 2022 risque de s'avérer pareil. Concernant la production, on a passé la main à notre ami Hugo-Alexandre Pernot, avec qui on compte enregistrer une trilogie : Fall off the apex, l'album Art et Marges et un autre disque en cours.
Mathieu : Voilà, c'est surtout en matière de production que la différence se fait. On a gardé grosso modo la même manière de composer et de préparer les pré-prod.
Il y a des titres qui sortent un peu du lot comme "Marimba" qui a de vraies sonorités de tribus indiennes, c'est de la guimbarde qu'on entend ? Vous aviez déjà fait testé ces ambiances là avant ?
Mathieu : Pas de guimbarde, mais c'est cool que ça t'y fasse penser. On aime bien proposer des respirations dans nos albums. On explore, on défriche à coup de machette.
Qu'est-ce qui vous a poussé à fonder votre propre label HyperJungle Recordings
Rémy : L'ennui des confinements très certainement. Mais pas que !
Mathieu : Sortir des trucs qu'on aime quand on le veut. Ne pas être dépendant d'un agenda de quelqu'un d'autre.
Vous êtes en tournée depuis juin, ça faisait un bail, comment vous ressentez ce retour sur scène avec ce contexte et y-a t'il une différence avec avant ?
Rémy : Quand on s'est remis à jouer, on a senti un emballement très fort de la part des gens. En fait, je ne me rendais pas compte que le public des concerts était à ce point en attente. Certaines et certains nous ont revus 3 ou 4 fois depuis juin dernier. Et là, on a vraiment hâte d'aller jouer un peu plus loin à nouveau, en France, aux Pays-Bas, en Suisse. La route peut être chiante mais après des mois sans bornes aux compteurs, t'as vite envie d'un peu d'autoroute quand même.
Mathieu : Oui, on est revenu avec un tout nouveau set. Maintenant, on est à l'aise avec et on le fera évoluer au fil des sorties.
Avant l'annonce de cette tournée, vous êtes partis en Russie, c'est la première fois que vous jouiez hors de l'Europe ? Je ne savais pas que vous aviez des fans là-bas, comment s'est passé cette aventure ?
Rémy : Disons qu'on avait pas vraiment de fans là-bas. Ça part surtout d'une nouvelle collaboration avec un de nos bookers, Francis, qui bosse pour nous pour les Pays-Bas. Avec la crise, beaucoup ont arrêté de booker, quelques-uns se sont associés, d'autres se sont reconvertis professionnellement. C'est comme ça qu'on est tombé sur Francis, agent de Earthbeat Amsterdam, qui nous a proposé comme première date non pas Amsterdam, ni Groningen, ni Rotterdam, mais Kazan ! Il y a un très bon reporting de tournée paru au Focus Vif et rédigé par notre copain Julien Broquet (La Jungle en Russie : Carnet de voyage).
Mathieu : Apparemment, certains connaissaient le groupe sur Moscou. Il y avait un DJ qui passait nos chansons là-bas. De fil en aiguille....
Dans le clip "Le jour du cobra", vous avez été mis en scène et avez joué un rôle. C'est une première je crois, puisque d'habitude on vous voyait juste jouer de la musique dans vos clips. C'est un travail qui vous a plu ou vous l'avez fait par défaut pour servir l'histoire du clip ?
Mathieu : Oui, comme je disais plus haut, on aime bien essayer d'autres choses. Là c'était carrément l'occas' de le faire et on s'est bien marré. On adore Fred Labeye, le réalisateur, et toute son équipe. Ce sont des gens formidables et passionnés.
On termine cette interview avec un rapide portrait chinois :
Si vous étiez une ville ?
Rémy : On revient de Zadar et Hvar en Croatie, c'était très beau !
Mathieu : Une ville dans les arbres.
Si vous étiez un animal ?
Rémy : Une vache pour cette fois.
Mathieu : Un bonobo.
Si vous étiez un fruit ?
Rémy : Il y a des raisins sur la pochette du nouvel album.
Mathieu : Une cerise.
Si vous étiez un artwork ?
Rémy : Peut-être celui de Earthly delights de Lightning Bolt.
Mathieu : probablement un de Storm Thorgerson.
Si vous étiez une salle de concert ?
Rémy : Notre booker Julien fabrique de la bière et booke des concerts dans un super endroit qui s'appelle La Source à Laeken à Bruxelles.
Mathieu : Le Fuse.
Si vous étiez un studio ?
Rémy : En ce moment, on enregistre, donc chez Opus Grestain, chez Pascal et Gigi !
Mathieu : Un studio de répétition pour composer.
Si vous étiez un groupe ?
Rémy : Cette question est bizarre.
Mathieu : On aurait un plus gros van.
Art et Marges: Site officiel (131 hits)
Merci à Didier de Black Basset Records et à La Jungle.
Photos (de haut en bas) : © Romuald Strzelczyk, © Lotte Brouwers, © Carlo Van Den Heuvel
Publié dans le Mag #48