Jessica93 - Who cares Vers la fin de l'année 2013, par là, alors que retentit pour la première fois dans mes oreilles l'air accrocheur et le pilonnage rythmique d'"Away", titre inaugural de Who cares dépassant les 8 minutes, je me dis soudainement que je tiens entre les mains quelque chose. Une chose qu'on pourrait communément appeler une claque. Et ça va se confirmer sur la durée. Un album qui entame de la plus belle des manières mon affinité artistique jusqu'à présent inaltérée avec un bonhomme répondant au nom de Jessica93. Un blaze de compte Twitter (ou ce que vous voulez) sous lequel se cache un homme-orchestre (et non une femme) de Drancy (d'où le 93), muni d'une boite à rythme statique et d'une loop avec quelques effets pour sa basse et sa guitare qui, à tour de rôle, l'enveloppe. Pratiquant avec une touche singulière une cold wave possédée, hypnotique, et shoegaze pour le coup, le bonhomme en est à son deuxième disque au compteur, après un premier LP 4 titres de 37 minutes sorti un an auparavant. Vous l'aurez compris, Geoffroy Laporte aime développer ses idées sur la longueur et jouer en même temps sur l'aspect cyclique du rythme et des instruments pour laisser aux guitares et à la voix une liberté de jeu et de nuances de tons.

En parlant de voix, on ne sait pas vraiment quel message est apporté avec Who cares, les textes à la fois français et anglais étant dissimulés dans des effets de réverb et noyés dans le magma sonore sombre et froid. Même si on arrive par moment à déceler quelques phrases (notamment sur "French to the bones" : "Avec détachement, je regarde les trains. Je me sens si bien là que passer dessous me dirait bien. C'est pas la honte franchement de s'entendre dire ça."), la justesse n'est pas toujours au rendez-vous et est, en quelque sorte, sauvée par les effets. Rien d'anormal cependant, car l'ensemble reste cohérent : la musique d'une noirceur axiomatique, limite dépressive (jetez une oreille sur "Sweet dreams" et ses 9 minutes d'une lenteur quasi insoutenable), s'accorde parfaitement avec les quelques imperfections subjectives.

Mélange improbable de grunge et de new-wave (selon les dires de l'intéressé), Jessica93 tape très fort avec ce deuxième album et réussit, en nous l'appropriant, à donner autant l'effet d'une montée immédiate qu'une descente pénible sous crack. Tiens donc, au fait, qu'est-ce qu'on voit légèrement flouté sur la pochette ?