C'est souvent dommage de réduire un album à l'écoute d'un single. A tort, on se dit qu'après tout, si le groupe a choisi de sortir un titre parmi tant d'autres, c'est que cela doit être le meilleur de l'album, et qu'à lui seul, il doit être un bon résumé. Prenons ce premier LP d'Intrusive Thoughts, qui débute avec "Bedbugs", un premier track rapide, sec, avec une linéarité prononcée, du pur garage noise qui semble poser les bases. On pense partir sur ce style pour la suite, mais s'ensuit "Mep3oct", plus indie rock, avec une basse sautillante, une guitare plus en retrait et un chant plus mélodique et sensuel, qui chamboule l'impression première. Déjà étonné par ce changement de braquet que "The sphere" débute avec une guitare en arpèges, claire et gracieuse, qui passe ensuite en riff noise pour accompagner le chant de Sakina Hmito. Et hop, j'ai à nouveau perdu mes repères. Le quatrième titre "Hey" nous prend par la main pour un quasi retour vers la pop des années 90, quand "The pill" se termine en explosion noisy malgré un démarrage très soft. C'est un tourbillon, et ça va continuer de tourner tout au long de Dysphorie, à en avaler la boussole.
Pour un premier album, Clément Bordiga à la batterie, Audric Auffray à la basse, Raphaël Perez à la guitare et Sakina Hmito au chant explosent les codes en combinant la rugosité du noise avec des partitions mélodiques intimes, dans des tracks bipolaires où la furie succèdera à la grâce d'une musique harmonieuse. Un tout premier LP que l'on verrait plutôt sortir après quelques démos et autres EP, mais non le quatuor de Rouen sort l'album référence direct. C'est du post-noise, post-garage, je ne sais plus trop mais au diable les étiquettes, mélange donc P J Harvey, The Dodoz, Yeah Yeah Yeahs et même un peu de Fiona Apple, et tu obtiendras Intrusive Thoughts. Avec un tel mix, tu comprendras qu'il est inutile d'essayer de vouloir résumer ces 30 minutes de délice en un seul titre, alors prends toi une demi-heure pour déguster Dysphorie, ... et prévois même quelques heures supplémentaires parce que la galette devrait continuer de tourner.
Publié dans le Mag #62