Histoire du Père Castor : il y a quelques années, sur une radio très alternative et (très) locale de Montpellier, un animateur d'une émission orientée rock tendance plus ou moins lourde avait proposé aux auditeurs de lui envoyer une thématique pour une prochaine émission : "Proposez-moi ce que vous voulez, du néo-garage norvégien, du post hardcore mexicain, du black métal hongrois (...)" - une palette très large qui ne pouvait qu'être sympathique, sauf qu'il termina sa tirade par - "...tout ce que voulez, mais surtout pas de ska". Sic ! Il était prêt à passer des groupes de Budapest fans de décapitation de poulets, mais pas un seul groupe de ska ? On lui demandait pas de passer du R'n'B ou de l'Eurodance !? On pourrait ouvrir un débat sur cette aversion de certains rockers pour le ska, mais on va faire plus simple : si tu es de l'avis de ce gazier, tu peux arrêter la lecture de cet article. A l'inverse, parlons un peu de The Interrupters.
Le quatuor californien formé des 3 frères Bivona pour les guitare, basse, batterie et d'Aimee Allen pour le chant revient avec ce troisième LP. Produit par Tim Armstrong, distribué sur son propre label Hellcat records, et participant en guest sur le titre "Got each other", on ressent bien la patte du leader de Rancid sur cet album. 12 titres de ska punk rock, qui musicalement, vont parfaitement dans le catalogue de ce label. Sur ce point-là, rien de bien neuf sous le soleil de L.A. Une guitare pas trop agressive, qui alterne entre son punk rock et riff syncopé, une bonne ligne de basse bondissante, un son de batterie bien propre et une chanteuse au timbre assez grave, avec ce léger raclement de gorge qui va bien. Pour la section cuivre, en revanche, il faudra les voir en live, car sur l'album, il n'y en presque pas. Mais on retrouve tout de même du pur ska old school avec "Not personal", du pop punk sur "Gave you everything", un rocksteady aux petits oignons avec "Leap of faith". On trouve également dans la boite, le single "She's kerosene" assez imparable dans sa catégorie (avec un clip à la gloire des codes du genre : noir et blanc, skanking, costards à damier,...).
Bref, pour l'objectif ska punk, The Interrupters coche toutes les cases, et remplit largement sa mission. Certains pourront, à juste titre, regretter une absence de prise de risques (on verra ça à la prochaine fournée). D'autres penseront que ce style de musique ne casse pas trois pattes à un palmipède, mais pour ces derniers, on les a normalement plantés à la fin du premier paragraphe. Et pour le reste, on va se sortir les doigts et on va lâcher prise en frétillant sur The Interrupters.
Publié dans le Mag #34