INTENABLE - Envier les vivants Décidément on ne les arrête plus les bougres ! De là à dire qu'ils sont intenables, il n'y a qu'un pas que je franchis sans vergogne. Petit rappel historique, en espérant être précis et ne pas balancer trop de fake news à la Eric Zemmour. En 2012, suite à un léger hiatus du groupe Nina'School, les deux guitaristes chanteurs, Kévin et Clément forment Intenable (le dernier prenant la basse) avec leur pote Got' à la batterie et sortent leur premier album La cour des grands. Ils conservent cette formule de punk rock en français, dans la lignée du label Guerilla Asso mais en plus posé, chanté, moins crié et fougueux qu'avec Nina. On n'est pas loin du "rock quoi" de Thomas VDB. Le titre était prémonitoire et l'essai directement transformé. Coïncidence ou pas (hum, je dirais "ou pas"), les groupes susnommés changent de batteur et récupèrent tous les deux Antho, également actuel bassiste de Guerilla Poubelle et homme à tout faire dans son projet solo Mauvaise Pioche (le mec, tranquille, participe à trois disques en ce début d'année 2020). A partir de 2015 les choses s'accélèrent puisque Intenable enchaîne un EP, un nouvel album Quatrième mur, un autre EP, acoustique, et donc ce troisième album, Envier les vivants, sorti le mois dernier.

C'est toujours bancal, voire très casse gueule d'associer punk rock, mélodies et chant en français, sans tomber dans la mauvaise variété (pléonasme) mais force est de constater qu'on a affaire à de véritables petits prodiges. On peut même parler de disque de la maturité dis donc. Soyons fous. Les deux précédents étaient chouettes, celui-ci est vraiment top et encore plus abouti, à tous les niveaux. Les morceaux sont bien chiadés, avec de nombreux changements de rythme, leur donnant davantage d'épaisseur. Le travail sur les parties guitares n'est pas en reste et le fait d'être passé ici d'un trio à un quatuor ne fait que renforcer cette impression. Cela semble simple car extrêmement efficace mais quand on l'écoute plus attentivement, on se rend compte que cela fourmille de petits détails et de bonnes idées. Impossible de ne pas évoquer également les textes, bien ciselés eux aussi, d'une certaine finesse, agrémentés de quelques jeux de mots et références à l'actualité. Ça parle notamment de révolte sociale, de précarité, que ce soit dans "L'époque", "Une cravate ou une corde", "L'aube des vaincus" ou dans mon morceau préféré "Le portrait de Marcel" (accessoirement c'est également le préféré de François Bégaudeau), illustre anonyme gilet jaune septuagénaire gardois, issu de la France "qui a honte, qui grimace, le dos courbé, les mains pleines de crasse", dont le graphe a été détruit par des policiers et qui est également mentionné dans le documentaire "J'veux du soleil !" de François Ruffin. En rapport avec le titre de l'album, il est aussi question de la vie, de sa futilité, de la mort, de la procrastination ("Mono-tone") et pour illustrer le tout, une pochette dessinée en un unique trait de feutre.

Envier les vivants risque malheureusement de rester cantonné à une certaine scène, niche musicale alors qu'il a toutes les qualités pour plaire à un plus large public mais perso je n'envie nullement ces personnes qui ne sont pas curieuses. Rien à voir évidemment avec les lecteurs et lectrices du W-Fenec...