Il y a deux numéros de cela, j'ai inauguré notre nouvelle rubrique des disques oubliés avec un album de Toy, un groupe anglais de pop-rock psyché. Aujourd'hui, je me retrouve à chroniquer un excellent disque de pop psyché d'un quintette anglais nommé Index For Working Musik, dans lequel se trouve notamment Max Oscarnold de Toy (et de Proper Ornaments). Ce dernier est accompagné de Nathalie Bruno (Drift. et Proper Ornaments, également) qui compose les chansons avec lui, de Bobby Voltaire (Proper Ornaments, toujours), de Joe Loftus et d'Edgar Smith. Fondée donc par Max et Nathalie à Barcelone un soir de 2019 alors qu'ils feuilletaient un essai de Jacques Lacarrière trouvé par terre dans une rue et qui traitait du sujet des Pères du désert d'Égypte et de Syrie, cette formation un peu consanguine (ils ne sont pourtant pas signés chez Dur et Doux, coutumier du fait) commence à compiler là-bas des morceaux. Ces derniers, inspirés par ces moines chrétiens du IIIe et IV siècle, reviennent à Londres avec un bagage de nouveaux titres et décident de les bosser et de les enregistrer dans un sous-sol. Le fruit de cette aventure à un nom : Dragging the needlework for the kids at uphole.
Ce disque a de sérieux atouts et il ne te laisse pas le temps de te mouiller la nuque pour rentrer dedans. Dès "Wagner", on plonge dans un bain de vapeur humide, et ce n'est pas de l'eau. L'ivresse de ce morceau nous embarque loin par sa cadence lente, sa voix délicate et ses guitares mélodiques. Il y a un magnétisme évident et les titres qui le succèdent, à savoir "Railroad bulls" et "Athletes of exile", confirment le désir du groupe à offrir des ambiances langoureuses et intimistes. On passe rapidement par une interlude sonore abstraite pour enchainer sur "Ambigous fauna", qui propose un motif répétitif de guitare sur lequel se posent les deux voix de Max et Nathalie. Le rythme commence à prendre un peu de vigueur, mais reste toutefois encore sage. Après tout, Index For Working Musik est un groupe indie-pop qui met davantage les harmonies et les textures sonores au cœur de son projet. "Isis beatles" nous prend par surprise en combinant un beat trip-hop avec des motifs subliminaux et hypnotiques. On est déjà au milieu du disque, et l'on pressent que la suite risque de nous faire voyager vers d'autres sphères.
Et cela ne loupe pas ! "Palangana", titre chanté en espagnol, toujours de manière très sensuelle, présente un penchant plus exotique/lo-fi totalement disparate voire antinomique avec ce qui nous été servi auparavant. "1871", le morceau qui suit, revient au format pop mélodique super efficace et rappelle Toy, tout comme "Chains" d'ailleurs qui met en exergue le travail aiguisé des guitares qui s'entrechoquent. Je crois bien que ces deux morceaux font partie de mes préférés avec "Wagner". On arrive vers la fin de l'album, "Petit commiteé" fait office d'interlude drone pour amorcer "Habanita". Ce dernier titre est approprié pour exprimer les adieux, il concentre en lui seul toute la tristesse du monde. Ses airs rembrunis et répétitifs, garnis d'effets de guitares pleurantes noyées dans la masse, servent d'épilogue à une œuvre de 33 minutes à l'écriture nostalgique et perturbée mais extrêmement belle et sincère. À écouter religieusement...
Publié dans le Mag #58