On pourrait penser que c'est un private joke. 4 Parisiens qui sortent leur premier LP en plein confinement mondial. L'album s'appelle Anthology (comme si c'était un best of, et pourtant c'est leur première galette), et ils se prénomment I Love My Neighbours en ces temps où la tête du voisin est plus souvent visible que celle de ton barman ou cuistot préféré. Ah ben tiens ! En bon inspecteur Colombo de pacotille que je suis, trop facile d'imaginer la genèse de tout cela. Entre 2 apéros Whatsapp, 3 recettes de gâteaux au citron, les 4 gaziers bloqués à la capitale se mettent à parler musique, à imaginer un album conceptuel écrit pendant le Home Sweet Home général, pondent un album qui restera le résultat de ce processus particulier, et choisissent comme nom I Love My Neighbours pour bien coller à l'actualité. Sauf qu'à l'écoute des 10 tracks, on est bien loin d'un DIY monté entre le salon et la cuisine, même très très loin. Et le baltringue d'inspecteur Colombo peut aller rejoindre ses poteaux dans son EHPAD préféré, parce qu'il a tout faux.
En réalité, cela fait 14 ans qu'I Love My Neighbours existe. Sont-ils des adorateurs de la procrastination ou des perfectionnistes hardcore pour ne jamais rien avoir proposé auparavant ? Il faudra leur poser la question. En tout cas, leur réponse est impeccable. Ce premier LP de 10 titres semble sonner comme l'album référence pour un groupe, celui qui fait suite à plusieurs EP et démos, celui qui imprime son style, aligne les tracks imparables et sonne comme la première pierre d'un monument en devenir. Et musicalement dans tout ça ? Du bon rock avec un peu de pop juste comme il faut. Chaque track a sa texture personnelle, travaillée et affûtée. D'un "Hello" pop rock à la mélodie accrocheuse, un "Now sing" plus posé, un "uptight" plus hargneux, un "Horizon" plus pesant, un "James" qui souffle le chaud et le froid. Chanté en anglais avec une voix perchée et intense, accompagnée de guitares souvent intrusives sans être agressives, et d'un clavier savamment dosé. I Love My Neighbours est le Guillaume Tell de la chanson rock, il fait mouche à chaque carreau.
14 ans d'attente pour une première galette, c'est long. Il y a bien eu un EP Should we write a single ? il y a quelques années, mais bon, même Tool est plus rapide, c'est dire. On espère que le prochain LP ne s'appellera pas La Pléiade et qu'il sortira avant 2034, car ce serait dommage de partir sur une pareille fréquence.
Publié dans le Mag #43