Holy Fake News Salut Holy Fake News et enchanté ! Pourriez-vous présenter le groupe à nos lecteurs : origine du groupe, background des musiciens, vos influences. Est-ce votre projet musical principal ?
Manu: Salut Gui de Champi, enchanté, merci, c'est très simple :
On est deux vieux potes aux même appétences, aimant les mêmes mélodies de couplets, qui n'avaient jamais joué ou fait un truc ensemble. On a eu plein d'expériences chacun de notre côté sans jamais figurer dans Wikipédia, et on se capte enfin. On a ensuite trouvé un troisième mec plein de fraicheur, nous faisant ressentir beaucoup moins vieux potes d'un seul coup. Nous sommes donc trois types auto-influencés, dans leur projet musical principalement principal, en fait. Nos influences audio sont chiantes à définir par soi-même, je suis contre.
Eric : Moi je suis pour ! On s'est formé en 2017 après avoir joué dans pas mal de groupes. Manu était dans Swy, Sweat Baby Sweat, Season of Lies. Moi-même, j'ai joué dans Tomy, Spudgun, Klimax, Monster Munsch. Et Victor, notre batteur qui est beaucoup plus jeune, a joué dans Ocean Storm.
Niveau influences, je suis davantage inspiré par le rock indépendant américain alors que Manu le serait plus par le britannique. Perso, je pourrais te citer vite fait des labels comme Dischord (Fugazi, Jawbox), Desoto (Dismemberment Plan, Burning Airlines) Touch and Go (Pinback, Tar), Sub Pop (The Constantines, Modest Mouse) ou des groupes comme Minus the Bear et Ted Leo and the Pharmacists. Je préfère m'arrêter là pour ne pas faire trop chier Manu.

Le groupe est actif depuis 2017 et vous venez de sortir votre premier album : vous attaquez frontalement sans passer par la case EP (ce qui est une petite tradition dans le circuit en France si je ne m'abuse) ? La sortie de l'album a-t-elle été décalée du fait de la pandémie actuelle ?
Manu : Je suis nul en traditions, et j'ai bien peur qu'on ait fait exprès d'attendre que le monde d'avant s'arrête pour lancer notre affaire. On avait plein de morceaux et, après l'incendie de Notre Dame, on a décidé d'enregistrer nos instrus en un jour... Tout s'est ensuite arrêté. Le confinement nous a permis de caler le reste dans notre coin et dans une spontanéité... progressive. Sinon, EP/LP, on avait 13 chansons à balancer, nous n'avons aucune stratégie.
Eric : Nous avons enregistré les 13 titres en un jour sans prévoir forcément d'en faire un LP. Il se trouve qu'on était plutôt satisfait du rendu des 13 donc pourquoi pas les faire tous figurer sur l'album. On a enregistré en août 2019 et la pandémie n'a pas grand-chose à voir avec le délai de sortie. C'est davantage lié à l'autoproduction et au temps qu'elle laisse. Par contre, le fait de ne pas faire de concert a sûrement repoussé l'échéance de la sortie du CD.

Vous pouvez nous parler de l'artwork ? Joli digipack mais très peu d'informations à l'intérieur. Sobriété et efficacité, c'est ça ?
Manu : Merci, l'artwork est l'œuvre de notre pote Bud. On a vu ça comme un truc sobre, en effet. La version vinyle recueillera certainement les lyrics, mais seulement si le karaoké est de nouveau autorisé.
Eric : Oui, c'est notre pote Sébastien Portalier qui nous a fait l'artwork. Il chantait dans Spudgun et Sweat Baby Sweat et nous aimons beaucoup son approche artistique, autant musicale que visuelle.

Pour ceux qui ne sont pas à l'aise avec la langue de Shakespeare, de quoi parlent vos textes ?
Manu : On raconte nos vies dans nos chansons. C'est savamment con et ça part d'un ressenti, d'un sujet quelconque, souvent anodin au premier abord, et on s'en fait un support à dégueuler. Rien de moral, pitié... de l'engagement et beaucoup de constats.
J'aime bien partir d'un flash et le développer, même si la plupart du temps ce sont des concepts élaborés alors que j'étais en train de me curer le nez... mais indigné, souvent.

Et comment se passe le travail de composition : chacun ramène ses idées, ou un seul compositeur dans le groupe ?
Les plans viennent essentiellement de chacun dans son coin et on met ça en place à deux ou à trois, ça dépend. Certaines chansons sont pensées d'un trait à l'avance, d'autres sont le fruit d'une confrontation. Il n'y a par contre aucun compromis : ça marche, on tente, ça craint, on jette... Un trio, c'est génial pour ça.

Incontestablement, votre groupe sent bon les 90's et le rock américain. Une période prolifique pour le rock dit indépendant, avec ces groupes qui composaient des brouettes de tubes mélodiques et mélancoliques. Faut-il avoir vécu à cette époque pour en restituer l'essence même aujourd'hui ?
Manu : Moi, j'aime le rock britannique, toutes époques confondues et les questions bleues du trivial poursuit. Victor est né en 93. Du coup je ne sais pas trop si on cherche à restituer une époque. En tout cas, moi qui ai du mal à accepter de grandir... Ça doit peut être venir de là. Ou alors, peut-être qu'on ne sait rien faire d'autre. Mais... le rock indépendant ne mérite-t-il pas une médaille d'intemporalité, non ??
Eric : Je suis carrément d'accord sur l'intemporalité. Perso, ce qui définit pour moi le rock indépendant, c'est cette liberté créatrice et très personnelle qui n'enferme pas un morceau dans une direction artistique préétablie et codifiée. Et si ça transcende les modes, on peut parler d'intemporalité, non ? Et je mettrais (ça ne tient qu'à moi) dans le genre « rock indépendant » une palette de groupes très différents allant de Fugazi à Big Thief.

Holy Fake News Vous sortez l'album en indépendant. Un choix assumé ? Pas besoin de label pour diffuser à votre échelle ?
Manu : On n'a rencontré ni mécène, ni sponsor en 2020, alors on s'est débrouillé avec nos structures locales et des petits coups de main à droite à gauche... Ce n'est pas vraiment un choix, ça fonctionne comme ça, avec nos moyens modestes. Notre schéma est simple, on fait une prise live dans le box de répète et on produit ça nous même.
Eric : On se fait aider par un label indépendant du nom de DV's Records, ce qui est suffisant pour diffuser à notre petite échelle.

Vous êtes basés à Bordeaux à l'opposé de mon bled de résidence (à savoir Nancy). Comment se porte le rock dans vos coins en période "normale" ? Les disquaires indé et les salles accueillant des groupes de rock sont-ils toujours en place ?
Eric : Plusieurs salles et bars ont fermé ces dernières années. Il est difficile de savoir quel sera le paysage rock bordelais après ce merdier. Et en disquaire indépendant, il y a toujours Total Heaven.

En écoutant votre album, j'ai l'impression que vous avez des similitudes avec Not Scientists dans le traitement des guitares en son clair et des reverbs. Avec quels groupes français (et étrangers) vous sentez-vous proches pour aller croiser le fer quand on aura le droit de retourner écouter (et donc jouer) de la musique live ?
Manu : Not Scientists, bien joué... des gars adorables, même si je ne les connais pas plus que ça. J'ai eu la chance de régir une scène de festoche avec eux en fin de soirée il y a quelques années... on avait pris plein d'electro pop et de sucre dans les feuilles toute la journée... ils ont démarré, c'était magiquement organique... Les guitares clean ont dû participer à cette impression mais ça laisse tellement de place au reste bastonnant. Leurs années saturées les ont certainement sevrés. Je crois que c'est un choix (réussi) en réaction pour eux, ou une cure de jouvence, ou une simple coupure de courant. Certainement une façon d'essayer de faire autre chose....
Des intégristes m'ont souvent demandé pourquoi je ne distordais pas ou peu. En fait, c'est un secret... mais surtout, j'aime bien entendre ce que j'essaie de jouer. Et puis ça dynamise, ça met les motifs plein fer dans la tronche. Pourquoi peindre une poutre en bois ???
Eric : Ça sera déjà génial de voir ou revoir des groupes sans forcément jouer avec eux. Pour les groupes français Burning Heads, Lane, Not Scientists, DevonMiles, Lysistrata, Supermunk, Last Train, Oakman, Wizard, Rikikikiki, Offshore, Tako Tsubo, pour ne citer qu'eux.
Et pour les étrangers : Shame, The Beths, Pup, Jeff Rosenstock, et beaucoup d'autres.

Quand la situation sanitaire permettra de revivre, que va-t-il se passer pour Holy Fake News lors de ces prochains mois ?
Manu : Faudrait que je remette un planisphère dans mes toilettes, déjà. Après, du son dans la gueule, simplement. Des caterings, des câlins, des acouphènes, et puis on va essayer de venir te voir... même si nos bleds sont opposés.
Eric : Des concerts, des compos et si tout s'enchaîne bien un nouveau LP.

Tribune libre pour terminer : un truc à rajouter ?
Manu : Alors perso, la suffisance et la vulgarité me cassent les couilles.
Eric : Merci à toi pour l'interview et j'ai hâte de lire le zine !