Her Name Is Calla - The Heritage A la fois épique et brumeux, grandiloquent mais ténébreux, le post-rock à cordes des Anglais de Her Name Is Calla s'exprime avec emphase, appuie ses effets de manche et ne lésine pas sur les crescendo sur-saturés pour faire briller sa musique. Mais malgré les risques que ces partis-pris supposent, dans les faits on ne peut que constater l'évidence : cela fonctionne. Et pas qu'un peu. En six mouvements et quelques cinquante et une minutes de musique, c'est à un véritable grand huit musical que l'on assiste, comme une sorte de symphonie post-moderne couplée à un ballet post-rock baroque. Avec "Nylon", le groupe s'offre une ouverture toute en raffinement et élégance mélodique. Le chant y est omniprésent et l'on sent bien les anglais désireux de mettre leurs instrumentations en retrait pour capter l'émotion pure de l'instant présent. Du grand art. Dans l'esprit, on pense alors pas mal à des références comme Codeine, mais Her Name Is Calla a encore beaucoup d'atouts dans sa manche pour démontrer que sa science de l'incandescence harmonique et du crescendo ascensionnel peut faire exploser toutes formes de comparaisons trop hâtives. On oublie les étiquettes et on laisse "New Englan" reprendre les bases de son prédécesseur avant de changer de voie pour laisser les crescendo instrumentaux s'emparer de la seconde partie du morceau. A ce moment là, le groupe joue avec les éléments et c'est une véritable tornade post-rock orageuse qui s'abat sur nous sans prévenir. Tensiomètre à son maximum, emballement saturé et atmosphères néoromantiques chargées en désespoir, le morceau exhale alors une atmosphère baroque, presque gothique qui renvoie d'ailleurs au visuel de The heritage. Et Her Name Is Calla de s'apparenter à la petite sœur un peu torturée d'iLiKETRAiNS, autre collectif post-rock à cordes britannique spécialisé dans les crescendo post-rock brûlants aux harmonies particulièrement ciselées. Ambiances à la noirceur palpable sur "Paying for your funeral" (tout est dans le titre.), saturation oppressante et retenue pudique de rigueur, puis plongée sans filin dans un univers musical labyrinthique, fait de dédales tortueux et de brume sonique angoissante ("Wren"), l'album pousse ses propres limites à leur paroxysme. Arrangements à cordes frénétiques, tempo ralenti et voix légèrement étouffées (on pense étrangement à Radiohead), Her Name Is Calla nous entraîne alors dans un océan d'incertitude, fait de questionnement intime et de mélancolie fiévreuse domptée par des orchestrations cuivrées sur lesquelles plane le fantôme de Godspeed You ! Black Emperor. Une poignée de notes qui pleuvent sur un clavier mystérieux, un sens de la dramaturgie parfaitement maîtrisée ("Motherfucker ! It's alive and it's bleeding"), quelques cordes délicatement frottées et des chœurs qui se font toujours plus lointain, une voix qui conduit l'ensemble musical vers des eaux familières de groupes comme At Silver Mt Zion et les entités gravitant tout autours du label Constellation Records, on est en terrain connu. Ou presque. Le temps de se poser la question et c'est une petite lueur d'espoir qui s'extirpe des ténèbres avec "Rebirth" pour refermer l'album. Une manière pour Her Name Is Calla de tirer sa révérence en se drapant d'un halo lumineux, avant de s'en aller explorer de nouveaux horizons musicaux...