Halo Maud Comment vas-tu depuis la sortie de Celebrate en mars dernier ? Dans quel état d'esprit es-tu depuis cette date ?
Je vais très bien, merci de demander ! Je suis très heureuse de l'accueil que le disque a reçu, et très heureuse de pouvoir jouer ces morceaux sur scène.

J'ai vu que tu étais en pleine tournée au Royaume-Uni, comment se passe la réception de ton album là-bas ? Est-ce que ta participation à deux titres des Chemical Brothers l'année dernière t'a aidé à acquérir une forme de popularité outre-Manche ?
C'est difficile à dire, mais les Chemical Brothers sont une telle institution ici au Royaume-Uni que notre collaboration a forcément eu un impact positif. Jouer ici est un vrai plaisir, je me sens particulièrement bien comprise, ce qui est assez ironique étant donné que je chante en partie en français, et que je ne parle pas couramment anglais. Mais j'ai le sentiment de faire partie d'une famille musicale qui est bien plus populaire ici qu'en France.

Six ans se sont écoulés entre la sortie de Je suis une île, ton premier album, et Celebrate. Qu'est-ce qui a pris du temps ? Les tournées, les diverses collaborations, d'autres projets, la remise en question personnelle ?
Il y a mille raisons qui expliquent ce laps de temps, la première étant que j'ai besoin de revenir encore et encore sur la matière sonore avant de trouver ce que je cherche. Je parle là plutôt de production. Je peux composer relativement vite, tout en commençant à produire simultanément, c'est à dire à faire des choix plus ou moins définitifs sur les textures, les arrangements etc... Mais la phase de finition, juste avant le mix, requiert beaucoup d'allers-retours et de recul. D'autant plus que j'ai enregistré dans divers lieux, avec beaucoup de musiciens différents, dans des conditions acoustiques variables. Il a fallu assembler ce grand puzzle en retournant chaque petite pièce dans tous les sens. C'est peut-être ma partie préférée dans le processus. Et puis la pandémie mondiale n'a fait que m'encourager à prendre mon temps. À la même période j'ai eu la chance de collaborer avec d'incroyables artistes, les Chemical, mais aussi Pond. Nick est un ami de longue date et on avait déjà fait des choses ensemble.

Tu as décidé de présenter plusieurs titres de ce nouvel album bien avant la sortie, certains datent même de 2022 avec cet EP Pesnopoïka. C'était un moyen de faire patienter les fans ?
J'avais envie de mettre en avant certains morceaux du disque qui n'avaient pas forcément le format "single", mais qui à mon sens étaient très représentatifs de l'album. J'aimais bien l'idée de les présenter sous forme d'EP, dans différentes versions, voire accompagnés de leur chanson-soeur. C'est le cas de "Bright was the embrace" par exemple, qui est sur l'EP Pesnopoïka.
Mais pour revenir à la question du timing, la campagne a été lancée, puis deux grandes nouvelles sont tombées : la forme que prendrait la collaboration avec les Chemical Brothers, et l'arrivée d'un bébé. On a alors décidé, avec mon label, de décaler la sortie du disque d'un an.

Quelles ont été tes exigences principales pour aboutir à ce nouvel album ?
J'ai pris pour habitude de faire une liste d'envies pour chaque album. Ça peut être autant un choix d'intrumentarium, qu'une contrainte d'écriture, que des idées de collaboration. Pour Celebrate, j'avais notamment envie de percussions, de lâcher-prise dans le chant, de plus de lumière que sur Je suis une île. Dans les textes aussi, j'avais envie de parler de choses plus positives. Je me suis parfois forcée à formuler mon propos de façon à ne pas me positionner en victime de ma propre mélancolie. C'est une contrainte qui a certainement eu un effet thérapeutique, en plus de m'aider à sortir de mes réflexes d'écriture.

Pourquoi avoir choisi de travailler en partie avec Greg Saunier de Deerhoof à la production ? Pour "épaissir" ton son ? Quelle principale leçon as-tu apprise à ses côtés ?
C'était très instinctif, c'est à dire que je n'ai pas cherché un son particulier en travaillant avec lui. J'y suis presque allée comme à une masterclass disons, pour le voir travailler, car j'admirais et admire toujours énormément son travail et son expressivité. Ça s'est fait très naturellement, et très rapidement. C'est l'une des choses que j'ai apprise avec Greg. Aller vite, quitte à revenir au morceau plus tard, ce que j'ai évidemment fait, en bonne control freak que je suis (sourires).

Cet album m'a paru moins "direct" que Je suis une île, plus aventureux/risqué peut-être, plus dense aussi en sonorités. J'ai bon ?
Plus aventureux, certainement. C'est mon moteur en musique, me laisser surprendre et avoir l'impression d'inventer un petit quelque chose. La création d'un disque est pour moi une suite d'accidents heureux ensuite retravaillés. J'exagère un peu bien sûr, mais c'est vrai que je laisse une grande place à l'expérimentation, avant de remodeler la matière sonore. Par contre, j'avais justement envie d'un son très direct, "dans ta face", corrosif par moments. En terme de densité, il y a paradoxalement beaucoup moins de pistes sur Celebrate que sur Je suis une île, mais chaque son est plus épais, et la voix est plus forte, et en ce sens, j'ai au contraire l'impression d'avoir fait un album plus direct. Mais suis-je vraiment la meilleure personne pour en juger ? (rires)

Y a-t-il des choses que tu ne voulais pas reproduire sur Celebrate que tu avais laissé sur Je suis une île ?
Eh bien, comme je viens de le dire, j'avais à cœur que ma voix soit davantage mise en avant. J'avais envie de chanter fort, de m'autoriser plus de "trucs de chanteuses", d'aller plus loin dans ma recherche d'expressivité. Et puis de la mettre plus fort dans le mix évidemment.

Tu n'es jamais vraiment isolée on dirait, à en croire les nombreuses participations sur cet album, aussi diverses soit elles : Frànçois Atlas, Flavien Berger, Blumi, René Lussier... Comment opères-tu tes choix ? Par amitié, coup de cœur artistique, rencontre et opportunité ? Quand tu fabriques un morceau, cela t'évoque quelqu'un en particulier ?
C'est très variable selon les cas ! Il y a des artistes avec lesquels je peux avoir envie de collaborer dans l'absolu, parce que j'aime leur travail, et un jour, un morceau s'y prête. C'est le cas avec Flavien Berger que je connaissais peu personnellement. Je travaillais sur "Iceberg", et il y a eu une sorte d'évidence qui a pris la forme d'un rêve. Je lui ai écrit le lendemain et le morceau lui a plu. Dans d'autres cas, ce sont des musiciennes et musiciens amis avec lesquels j'ai également une forte connivence artistique.

Tu as déclaré avoir été nourrie de musique religieuse en grandissant. Est-ce que c'est quelque chose qui te poursuit encore dans ta façon de composer ? Peut-être cela a-t-il influencé ta voix très angélique parfois ?
Je ne crois pas que cela m'influence dans ma façon de composer, mais peut-être davantage dans ma façon d'écrire, ne serait-ce que parce que la notion de transcendance m'obsède pas mal. L'idée que quelque chose me dépasse, et que l'objet même de ma création me dépasse. Cette vision des choses me rend complètement absolutiste, mais me permet également de garder un certain recul. Une fois un nouveau morceau terminé, je peux me sentir à la fois extrêmement fière et avoir le sentiment qu'il ne m'appartient pas vraiment, que je n'ai fait que trouver la combinaison magique pour assembler des petites particules de musiques disséminées ici et là.

Halo Maud Quel est le morceau de Celebrate qui te touches le plus ?
Sûrement "Pesnopoïka". Musicalement, j'y ai mis beaucoup d'obsessions du moment, à savoir un long cycle harmonique, un solo de guitare torturé, une grande amplitude mélodique, etc, etc. Et puis il parle de quelqu'un qui m'a beaucoup marquée.

Ton dernier coup de cœur musical ?
Saya Gray !

Dernière question : quel est l'avenir d'Halo Maud à court/moyen/long terme ?
J'ai commencé à travaillé sur mon prochain album, et c'est ce qui va m'occuper à court, moyen et long terme (rires).