Après les interviews de Brutus et Direct Hit ! réalisées lors de l'Xtreme Fest (cf. notre numéro 52), voici la toute dernière, de Grade 2, jeune trio punk-rock anglais, qui n'était pas prévue au départ. Je comptais initialement m'entretenir avec les Canadien.nes de War On Women mais le groupe ne pouvant être présent sur le festival à cause d'un problème de van, j'ai donc jeté mon dévolu sur ces Anglais et ne l'ai nullement regretté. Leur concert m'avait mis dans de très bonnes dispositions et la sympathie de Jack (guitare/chant), Sid (basse/chant) et Jacob (batterie) a fini par me convaincre totalement.
Bon, pour être honnête, je voulais à la base interviewer War On Women mais du fait de leur absence, je me suis rabattu sur vous.
Jacob : Ah, donc on était seulement les deuxièmes meilleurs. (rires) Pas mal...
Jack : Merci (NDLR : en français dans le texte), c'est très gentil.
Vous êtes un groupe assez récent, même s'il est vrai que ça fait quelques années que vous existez...
Jack : Il y a souvent un malentendu là-dessus, les gens pensent que le groupe est plus jeune que ce qu'il est vraiment. Ils nous voient et se disent : « Eux, ça doit faire deux ans qu'ils existent. »
Jacob : Alors c'est vrai qu'on est jeunes, on a tous 24 ans, mais ça fait près de 10 ans qu'on est ensemble.
Sid : Premier concert, le 5 août 2013 !
Wow, je n'imaginais pas ! Et vous venez de l'Île de Wight (NDLR : prononcée "Wight Island"), au Sud de l'Angleterre. Le groupe Wet Leg aussi est originaire de là...
Tous : "Wight Island", ahaha !
Jack : Non, on dit "Isle of Wight". Et oui, en un an, c'est complètement fou comment ce groupe a explosé mondialement. Alors qu'avant, personne de l'Île de Wight n'était connu, à part peut-être Lauran Hibberd, qui fait de l'indie-pop.
Sid : Il y a quelques groupes indie mais on est quasiment le seul groupe de punk, en tout cas qui tourne en Europe.
Il n'y aurait pas également une communauté un peu hippie...
Jack : Oh, tu fais référence au Isle Of Wight Festival, avec à l'époque Jimi Hendrix, The Doors. Mais c'est vieux ça. Maintenant, c'est vraiment plus ce que c'était, la programmation est pourrie. N'y allez pas. Vraiment.
Jacob : N'oublie pas The Who !
Votre nom, c'est Grade 2 parce qu'il y a un Grade 1, c'est ça ? Enfin, plus sérieusement, je connais un groupe canadien emo-hardcore du début des années 2000 qui s'appelle Grade.
Sid : On en avait jamais entendu parler et puis on a eu des commentaires de la part de leurs fans les premières années. La vraie raison, c'est qu'on était au collège quand on a débuté le groupe, et à un moment il nous fallait un nom. Un ami a suggéré qu'on s'appelle "Grade 8", qui est le niveau le plus élevé quand tu fais le conservatoire de musique, mais bien sûr, aucun de nous n'avait ce niveau. Puis cet ami m'a demandé : « Quelle est la longueur de tes cheveux ? ». C'était 2 millimètres (NDLR : "grade 2" en anglais), ça n'a pas changé depuis et c'est comme ça qu'on s'est appelé : Grade 2. On avait 14 ans hein, on ne pensait pas être toujours là 10 ans après. (rires)
Jack : Bon voilà, c'est un nom marrant, sauf aux USA où grade two, c'est le début de l'école primaire... Et ils sont là : « Euh, vous aimez les enfants... ». Horrible. (rires)
Vous revenez juste d'une grande tournée européenne avec Social Distortion, c'était comment ?
Sid : Énorme. Fou. On avait déjà tourné dans le Royaume-Uni avec des gros groupes mais c'était notre première tournée européenne avec un groupe aussi légendaire. Après deux ans sans aucun concert, rien, il y avait de l'excitation et de l'appréhension aussi car on jouait dans des grosses salles avec la majorité du public qui n'avait jamais entendu parler de nous. À la première chanson, ils nous dévisageaient en se disant : « C'est qui ces petits jeunes ? ». À la troisième, ils étaient là : « Pas mal », et commençaient à applaudir. Et à la fin, c'était : « Yeahhhh », et ils étaient à fond.
Vous voyez des différences de réaction dans le public selon les pays ?
Sid : En Allemagne, c'est vraiment particulier. Les gens sont tous motivés par la musique, savent pourquoi ils sont là. Quand tu joues dans un concert complet quelque part, c'est hyper cool. Mais quand tu joues dans un concert complet en Allemagne, c'est encore une toute autre expérience. Y'a pas une personne qui est là par hasard, à demander quel est le groupe du soir. C'est la folie totale. Et à ma grande surprise, je dois avouer que la Finlande a aussi été très chouette.
Je comprends. Quand je vois les tournées EU/UK des groupes américains, c'est généralement rien en France (ou juste Paris) et principalement des dates en Allemagne avec quelques-unes au Royaume Uni. Moins désormais avec le Brexit... À ce propos, ça a changé quelque chose pour vous ?
Jack : Quelle merde ! C'est moi qui m'occupe de toutes ces conneries administratives. Youhou. J'ai profité du Covid pour étudier un peu tout ça, mais pour être honnête, c'est moins prise de tête que je n'aurais pensé. En gros, il faut un carnet et quelques timbres à chaque fois que tu passes la frontière, déclarer tes instruments qui te coutent 600 livres par an et c'est à peu près tout. Ah oui, et le merch aussi mais ça on ne le fait pas (ou très peu). Ne dis rien à la douane s'il te plaît, héhé. Mais en vrai, ils ne contrôlent même pas, dès lors que tu es en règle avec le reste des papiers. J'étais embêté pour Lovebreakers, autre groupe anglais (NDLR : cf. HuGui(Gui) Les Bons Tuyaux du numéro 48) qui tournait avec nous et Social Distortion parce qu'ils avaient déclaré tout leur merch avant d'entrer en Norvège et à la douane on leur a dit que ce n'est pas possible et ils ont tout gardé. Alors que le notre était dans un carton planqué dans le fond du van... Pour revenir sur le Brexit, c'est tellement débile. On avait une si bonne relation, pourquoi tout balancer comme ça. Je ne sais pas, je ne comprends pas, je suis désolé... Ça n'arrange personne, à part les racistes. Et encore, même eux commencent à regretter. Bravo les gars.
Grade 2
C'était votre premier concert ici, à l'Xtreme Fest, comment avez-vous trouvé l'ambiance ? J'ai eu l'impression que les gens étaient de plus en plus chauds au fur et à mesure de votre set. 20-30 minutes de plus et c'était la folie !
Jack : C'est exactement ça. Sans nous vanter, c'est toujours comme ça. On revient à ce que disait Sid tout à l'heure, sur notre accueil pendant la tournée avec Social Distortion.
Sid : Au début, je trouvais que le public était positionné bizarrement, puis j'ai compris que les gens se plaçaient en fonction de l'ombre qu'ils trouvaient, étant donné qu'on jouait dans l'après-midi, en plein soleil (rires). Petit à petit, un pit s'est formé, ça dansait, c'était cool.
Jack et Sid vous chantez tous les deux, comment vous répartissez-vous les parties, c'est en fonction de qui a écrit le morceau ?
Jack : On a deux tonalités un peu différentes et je ne sais pas... on le sent. C'est vrai qu'on aime bien changer, souvent dans un même morceau. Je chante un couplet, puis Sid chante l'autre. Quand on écrit les chansons, ça vient assez naturellement.
Sid : On tente des trucs parfois, pour voir mais très vite, on le sait. C'est assez instinctif, d'autant qu'on compose beaucoup en live, tous ensemble. Et tout de suite, on est là : OK, c'est comme ça, cette partie, elle est pour toi.
Quand je vous écoute, les premières références qui me viennent à l'esprit sont Rancid, les premiers Bouncing Souls, ça vous va ?
Sid : Sans être fan, j'aime bien les Bouncing Souls, Swingin' Utters aussi et bien sûr tout ce qui se rattache à Hellcat Records, le label de Rancid sur lequel on est mais je ne dirais pas que ce sont des influences. J'ai surtout grandi en écoutant des groupes de punk-rock anglais comme The Jam, The Stranglers et plus spécifiquement les bassistes de ces groupes. Ce sont eux que j'essayais d'imiter quand on a monté le groupe, sur lesquels je m'entraînais.
Jacob : De mon côté j'ai plus un background rock, avec des groupes comme Led Zeppelin, The Who, qui ont des batteurs pas trop mauvais, héhé. J'aime aussi le garage-rock avec, par exemple, The Pixies, The White Stripes ou plus récemment Arctic Monkeys...
Jack : Jacob déteste le punk ! Ahaha ! Moi, je suis un peu un mix entre les deux. J'ai grandi principalement avec le classic rock, AC/DC et puis de la pop-punk. Et j'ai rencontré Sid qui m'a initié au vrai punk-rock et je me suis dit : wow, c'est cette musique que je veux faire, avec ce mec ! Mais je reste très ouvert, j'écoute de la dance, du rock, je prends des idées, des influences d'un peu partout... du hip-hop et d'Eminem pour certaines mélodies vocales.
Votre prochaine date est à Paris dans deux jours, quoi de prévu pendant votre day off ?
Jack : On ne sait pas, tu as des suggestions ?
Vous êtes allés voir le lac à Cap Découverte ?
Jack : Wow, il y a un lac ? Cool ! Allons nager ! Sinon pour l'instant, le seul plan c'est de conduire jusqu'à Orlinz (NDLR : Orléans) où on doit dormir. On a voulu couper la route en deux avant Paris. Ah, et on a vu que là-bas on jouera sur un bateau (NDLR : Petit Bain), on est hyper excités car ce sera la toute première fois ! J'espère que je n'aurais pas le mal de mer, ahaha !
Merci à vous trois et si vous le voulez, il y a une soirée karaoké pour l'after du festival, avec les bénévoles de l'Xtreme Fest, ça risque d'être fun.
Jack : On a un day off demain et j'ai 24 ans aujourd'hui, carrément que je vais venir ! Merci pour l'interview et à tout à l'heure pour la soirée alors !
(NDLR : Il est vraiment venu, a chanté au karaoké et est parti vers 5h, quand on s'est gentiment fait virer. Il devrait se rappeler de ses 24 ans.)
Merci à Grade 2, l'Xtreme Fest et tout particulièrement Vincent, ainsi que Dina qui m'a accompagné pour cette itw et a offert un cadeau à Jack pour son anniversaire.
Photo groupe : Dina
Photos live : Junk WBZ