Cyclothymie, bipolarité, ubiquité, dédoublement. Autant de troubles psychiques témoins d'une altération de la personnalité et qui pourraient convenir à ce Demiurgia de Graceful. On avait pu ressentir l'aspect protéiforme de leur musique avec leur premier LP (No one hear us, sorti en 2017 (cf. Mag #30)), un maelstrom musical, entre electro, rock, metal, une fusion des genres, une fission des styles. Pour Demiurgia, les Nantais ne cachent plus leur schizophrénie sonore et la développent tout au long de 11 titres. Un cran supplémentaire vers la fusion des genres, entre murmures et hurlements, entre rage et plénitude.
Demiurgia débute par "The passage", passerelle sonore d'ambiance, morceau electro angoissant avec un chant tout en chuchotements sadiques. Comme si un serial killer te murmurait ses désirs morbides au travers de la porte du placard dans lequel tu t'étais réfugié(e) pour lui échapper. Quelques riffs stoniens épars à la fin du titre annoncent que ça va y aller. Et ça part violent avec "Enemy", comme le "The march of the pigs" de NIN : batterie agressive, chant hurlé et déjanté, guitares stridentes. On vient de découvrir 2 des visages de Graceful. Suit "Demiurgia", plus orienté Faith No More, chant plus clair, structure plus rock, coda qui s'allonge pour un retour au calme. On enchaine avec les très QOTSA, "Water bombs" et "Two", à la guitare puissante et au chant clair et mélodique. Allez hop, 2 autres facettes du prisme Graceful. Le serial killer qui te susurrait des actes violents au début de la galette libère sa violence avec le très bien nommé "I hope you run fast (If you don't wanna die)". C'est du brut, ça hurle, ça frappe et ça se régale. Mais comme la folie se cache parfois chez des personnes qui semblent parfaitement normales, on retombe ensuite dans des plages plus d'ambiances, promenades indie rock un poil psychédéliques, avec les 3 derniers tracks, "Dawn", "Psylle", "Crossing". ...même si le Mr Hyde ressort t'enfoncer les ongles dans ton cœur en fin de "Psylle".
Bref, dans la famille des cyclothymiques, il y a Mike Patton, il y a Trent Reznor, et il y a Graceful. Dis comme ça, ça permet de bien comprendre que Demiurgia est riche dans sa diversité, tout comme sont les émotions humaines.
Publié dans le Mag #49