gontard - akene "Du rouge pour sortir du noir" c'est ce que Gontard nous dit dans le premier titre, "Le plein de super". Comme si la dépression pouvait trouver une échappatoire dans le plat du jour d'un relai routier de province. Tout un programme. Celui qui n'aime pas le cynisme, qui pour lui est une forme aigüe du détachement, se sent au contraire percuté par tout ce que qu'il vit et qu'il observe. C'est donc un témoin du quotidien qui nous livre de manière crue une réalité qui l'est tout autant.

Alors qu'il nous avait déjà chamboulé sur ses précédents opus Repeupler ou le dernier 2029 (qu'il serait de bon ton de réécouter en période d'élections). Quand il nous parle du plein de super nous sommes plus sur la Nationale 7 avec des émanations de pétrole que dans une émission de télé. La province plutôt que la capitale. Quand Gontard nous livre un road movie, ce n'est pas chez Thelma et Louise qu'il cherche ses inspirations mais dans l'habitacle d'un 33 tonnes entre relais routiers et trous du cul du monde, entre deux tournées (livraison ou sur le zinc d'un bar). Le nom même du disque Akene qui se déclinera en chanson "Akene getno" comme une francisation du titre des Stones, devenu surnom "Akene Guetno, c'est mon surnom, viens avec nous, tu verras c'est pas cher, on a tiré un break pour le week end" . ou quand le désœuvrement des années 70-80 devient un sport national.

Gontard dans ce disque semble se laisser plus apprivoiser, devenir moins abrasif - comme sur le titre "La séduction" et ses penchants reggae et gainsbouriens - mais il n'en est rien, les paroles sont toujours découpées au cutter qui aurait été trempé dans l'acide. Aucun jugement, plutôt de la sympathie pour ce qu'il décrit et notamment les gens de sa troupe. A une époque où certains décident "d'emmerder" d'autres, Gontard se fait le porte-parole des petites gens qu'il se projette en 2029 ou qu'il se replonge dans les décennies précédentes. Il décrit à merveille le passé comme le futur comme pour nous cracher à la figue notre existence contemporaine. Avec ce disque, Gontard a enfin la chance d'être reconnu à sa juste valeur, un homme qui aime les gens mais qui les décrira sans faux semblants pour ce qu'ils sont de manière véridique et crue sans être fantasmés. Tel un Julien Courbet il ne nous dépeint pas "l'origine du monde" mais "le monde d'aujourd'hui" tout en se cachant derrière des anachronismes pour que la réalité nous semble moins rude.