Gilla Band - Most Normal Anciennement appelé Girl Band, et renommé en 2021 Gilla Band pour ne pas froisser une catégorie de personnes sensibles à tout ce qui touche à la notion de "non-inclusivité", le quatuor irlandais sort donc sous son nouveau sobriquet un troisième LP chez Rough Trade nommé Most normal. Qualifié à l'époque de leur deuxième album, de "trésor du rock moderne" par les Inrocks, ce quatuor fondé à Dublin en 2011 est obnubilé par le bruit, la saturation et les effets à outrance, ce qui a pour conséquence d'être non seulement totalement déroutant, mais de poser la question suivante : "Gilla Band est-il un groupe de rock ?" ou plutôt "Est-ce vraiment ça le rock moderne ?" pour faire suite aux propos des Inrocks. En effet, les guitares n'ayant souvent même pas le son de guitares, l'écoute de Most normal nous permet d'en douter. Et pourtant, autour de la radicalité de ses morceaux plein de confusion, le groupe est capable de délivrer de bonnes compositions de rock ("Backwash", "I was away", "Post Ryan"). Mais peu importe, là n'est pas la question.

Comprendre ce nouvel album ambitieux n'est franchement pas facile et il peut devenir rebutant et chiant à certains moments ("Gushie", "Capgras", "Pratfall"), d'autant plus que le chanteur prend une place centrale au cœur des morceaux, ce qui n'arrange pas tout. Apparemment toujours en phase de guérison de sa maladie mentale, Dara Kiely n'en a cure des conventions en vociférant, parlant, marmonnant, déclamant ses textes mêlant humour, rage et peut-être même l'autodérision, et finit littéralement par nous asphyxier. Comme si l'objectif global du projet était de déconstruire, voire massacrer des (dé)compositions qui, parfois sont pas loin de l'effritement et de la rupture ("Bin linder fashion"). Évidemment, on ne sait jamais sur quel pied danser car la musique industrielle et expérimentale des Dublinois est la plupart du temps borderline.

À l'heure actuelle, ce disque pose encore beaucoup de questions et après l'avoir réécouté et analysé une pelleté de fois, on ne sait toujours pas s'il est diablement mauvais, juste moyen, ou s'il tient tout simplement du génie incompris, clairement parce qu'il sort de la norme établie par sa forme extrême, sa catharsis et fait dans le même temps preuve de surréalisme. L'avenir nous le dira. En comparaison, Daughters qui n'est pas si loin de Gilla Band sur pas mal d'aspects (le chant, les guitares triturées, la saturation, le côté malsain agressif et incontrôlable...), a davantage nos faveurs, ses œuvres étant mieux abouties.